Alors que la décarbonation du mix énergétique mondial est devenue une priorité, cette étude est l'une des premières à analyser la composante géopolitique des implications des nouvelles politiques énergétiques et des investissements dans les énergies renouvelables (ENR).
La dépendance aux matériaux de la transition énergétique
L'étude met l'accent sur le pouvoir de marché des pays producteurs de matériaux de la transition énergétique, lequel risque de s'accentuer dans les années à venir. A une dépendance aux ressources fossiles pourrait en effet se substituer une dépendance à d'autres ressources (métaux stratégiques, matériaux de structure, etc.). Cette dépendance est indissociable de la question de la criticité des matériaux qui varie en fonction des intérêts économiques et politiques d'un Etat.
Par ailleurs, si l'on a coutume de se focaliser sur certains matériaux comme le lithium ou les terres rares, l'étude souligne qu'il existe également des matériaux de structure, primordiaux pour la transition énergétique. Ainsi, dans le cadre d'un scénario 2°C, la criticité, mesurée par un ratio de demande cumulée à l'horizon 2050 sur les ressources actuellement connues, atteint 53 % dans le cas du lithium et est proche de 92 % dans celui du cuivre, montrant ainsi une incertitude plus importante sur ce dernier. Dans les deux cas, la géopolitique des pays producteurs, la concentration des ressources, l'organisation industrielle des filières et les conséquences environnementales de la production des matériaux sont des sources d'incertitudes potentielles dans la dynamique de transition énergétique.
Une géopolitique propre aux brevets bas-carbone
L'innovation dans les technologies ENR et sa protection sont au cœur de la géopolitique en devenir des énergies renouvelables. On assiste, en effet, depuis le début des années 2000, à l'accélération de l'acquisition de droits de propriété intellectuelle sur des nouvelles technologies dans les secteurs des ENR et à l'arrivée des nouveaux acteurs sur ces marchés.
Pour autant, les technologies ENR se distinguent des technologies conventionnelles du fait que leur rentabilité repose en grande partie sur l'existence de politiques climatiques. De plus, l'innovation et le déploiement des ENR sont étroitement liés à l'intervention des gouvernements, dont le poids est déterminant dans les secteurs de l'énergie et dans le financement de l'innovation. Au cœur des enjeux d'innovation, d'accès à l'énergie et de lutte contre le réchauffement climatique, l'acquisition de brevets bas-carbone devient dès lors une manifestation sensible des stratégies géoéconomiques des Etats.
Pour cette raison, la propriété intellectuelle, à la fois dans le champ des négociations climatiques et dans la compétition internationale des Etats autour des technologies bas-carbone, forme un élément essentiel de compréhension de la géopolitique des ENR. La propension d'un pays à ratifier un accord international ambitieux portant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre sera, par exemple, d'autant plus forte que celui-ci disposera d'actifs technologiques importants dans les secteurs de la transition bas-carbone. A contrario, les pays ne disposant que de peu d'actifs technologiques dans les ENR manqueront d'incitations à prendre part à la lutte contre le réchauffement climatique. Il ressort de l'analyse que l'inclusion du plus grand nombre de pays dans la lutte contre le réchauffement climatique est liée au transfert de technologie vers les pays les moins développés.
La place centrale des pays producteurs d'hydrocarbures dans la géopolitique des énergies renouvelables
L'étude souligne enfin que l'innovation dans les technologies ENR est directement impactée par le prix des énergies fossiles, ce qui implique que les pays producteurs d'hydrocarbures disposent d'une influence majeure sur la transition énergétique. En cas de forte incertitude sur la pérennité des politiques climatiques, les pays producteurs d'énergies fossiles seront incités à maintenir la dépendance des pays consommateurs en favorisant des prix relativement bas. Au contraire, l'anticipation d'une sortie inéluctable des énergies fossiles incitera ces pays à implémenter des stratégies de diversification de leurs économies à long-terme. Ces évolutions pourraient également mener à une redéfinition de la place de ces pays sur la scène internationale.
Les acteurs « traditionnels » de la géopolitique de l'énergie continueront donc à jouer un rôle-clé dans le rythme et les modalités de la transition énergétique.
Dans un contexte de généralisation des technologies bas-carbone, la géopolitique énergétique risque donc de se complexifier dans les décennies à venir.
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