"C'est une belle journée pour les Français", s'est réjoui mercredi matin le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur RMC et BFMTV, qui va lui-même profiter de la nouvelle étape de la levée des restrictions sanitaires pour déjeuner avec le Premier ministre Jean Castex à la célèbre brasserie Lipp.
Le ministre scrute chaque jour "comme un sismographe" les données qui lui remontent sur la consommation des ménages.
Principal moteur de la croissance française, les dépenses des Français sont en effet l'enjeu numéro un de la reprise. Et encore plus avec les 142 milliards d'euros d'épargne supplémentaire qu'ils ont engrangé depuis le début de la crise sanitaire, selon la Banque de France.
Pour débloquer cette épargne, leur confiance dans l'avenir est l'élément clé maintenant que la quasi-totalité des entreprises peuvent reprendre leur activité, même si c'est toujours avec quelques restrictions (jauges, couvre-feu à 23H00, etc.).
Depuis la première étape de réduction des restrictions le 19 mai, les premiers signes sont encourageants, avec un moral des ménages qui a considérablement progressé selon l'Insee.
Entre le 19 et le 23 mai, les dépenses par cartes bancaires ont été 20% supérieures à leur niveau de la même période de 2019, puis 15% supérieures la semaine suivante par rapport à la même semaine de 2019, selon des chiffres de Bercy.
Sur la dernière semaine de mai, les dépenses dans la restauration et l'hôtellerie sont revenues à environ 85% de leur niveau de 2019 et les dépenses dans l'habillement sont supérieures de moitié à ce qu'elles étaient en 2019.
La tendance est globalement la même que celle observée en juin 2020 après le premier confinement, et "c'était à l'époque le signe d'une reprise très vive", souligne-t-on, optimiste, à Bercy.
Au troisième trimestre 2020, le PIB avait grimpé de 18,5% après des chutes de 5,9% et 13,2% aux premier et deuxième trimestres, selon l'Insee.
Rebond mécanique, et après ?
"Le rebond du mois de mai est tout à fait impressionnant", note Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas. Mais si les prochains mois verront assez surement une reprise de la consommation, attention à l'emballement, prévient-elle.
Car dans un premier temps, il y aura un effet mécanique, les ménages ayant la possibilité de faire des choses qui leur étaient interdites auparavant. "Pendant plusieurs mois, mais pas beaucoup de mois, on va être dans cette dynamique de rebond mécanique très fort, et toute la question ensuite sera le rythme de la reprise de la consommation des ménages alors que du côté du marché du travail, on a des incertitudes", explique-t-elle.
Quid notamment, avec l'arrêt progressif des aides accordées par l'Etat, d'éventuelles suppressions d'emploi qui pourraient gonfler le taux de chômage?
"Cela pourrait contribuer à limiter le rebond de la consommation", en affectant la confiance des ménages dans l'avenir, ajoute l'économiste.
Autres points de vigilance: les entreprises pourraient avoir du mal à suivre le rythme de reprise de la demande du fait de difficultés d'approvisionnement et de recrutement dans l'industrie et le bâtiment.
"Les semaines qui vont venir vont être très positives. (...) Ce qui compte quand même c'est que ce soit dans la durée, et c'est ça qui va être important, c'est la rentrée, c'est septembre", a aussi prévenu le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux mardi soir.
Le gouvernement reste d'ailleurs prudent, et n'a pas relevé sa prévision de croissance, attendue à 5% cette année. "Le seul obstacle qu'il y a sur le retour de la croissance (...) c'est une nouvelle vague de la pandémie" de Covid-19, estime Bruno Le Maire, appelant les Français à continuer de se faire vacciner "le plus tôt possible".