"Notre priorité est de reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire", déclarait encore le président Emmanuel Macron il y a quelques jours.
Estimant qu'il fallait "créer les emplois de demain par la reconstruction écologique qui réconcilie production et climat", il a plaidé pour "un plan de modernisation du pays autour de la rénovation thermique de nos bâtiments, des transports moins polluants, du soutien aux industries vertes".
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire répète aussi depuis des semaines que le plan de relance, prévu pour la rentrée, devra "faire de la France la première économie décarbonée d'Europe".
Investissements massifs? Incitations fiscales? Contribution des territoires? Engagements contraignants? A quelle échelle de déploiement? L'exécutif s'est peu avancé sur la manière de concrétiser ses engagements.
"La décarbonation sera un fil rouge de toutes nos décisions même si cela nous force à faire des choix difficiles" à l'égard de certains projets ou entreprises, assure-t-on à Bercy.
Moment de vérité
Jusqu'à présent, les plus de 460 milliards d'euros de soutien public déployés face à la crise intègrent très peu de contraintes ou de contreparties écologiques. La priorité était de sauver entreprises et emplois, se défend le gouvernement.
Les aides aux secteurs aéronautique et automobile ont été teintées de vert, avec des primes à l'achat de véhicules électriques, une réduction des vols intérieurs ou des investissements dans l'avion à hydrogène.
Mais on est loin du compte, ont regretté ONG et élus écologistes, quand les pouvoirs publics devraient mobiliser "seulement" 7 à 9 milliards d'euros de plus par an pour financer la transition écologique, selon l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE).
"On vient de dépenser 130 milliards d'euros en trois budgets rectificatifs. Il fallait les soutiens d'urgence, mais est-ce que la place de la transition écologique était suffisante? La réponse est non, toujours pas", pointe le député Matthieu Orphelin (ex-LREM). En particulier, "il n'y a rien eu sur la modération du transport aérien à long terme".
"Un moment de vérité s'ouvre à nous: on veut un virage plutôt qu'un mirage", appuie Véronique Andrieux, du WWF.
Une certitude: le plan de relance devrait faire la part belle à la rénovation thermique des bâtiments. Mais d'autres plans sur le sujet lancés par le passé n'ont pas eu le succès escompté.
"Une priorité sera donnée aux bâtiments publics (crèches, écoles, hôpitaux, universités)" et aux Ehpad, même si les travaux sont "parfois difficiles à déclencher car l'État n'a pas toujours la main", au côté des régions et communes, indique-t-on à Bercy et à l'Écologie.
Hydrogène, train, citoyens
Le gouvernement compte ainsi sur le milliard d'euros accordé aux collectivités pour leurs investissements.
Le recours à cette enveloppe "devra être conditionné aux investissements dans la transformation écologique et sociale, et exclure tout investissement climaticide", comme "des rocades ou des ronds-points", réclame la Fondation Hulot.
Car la France, qui vise la neutralité carbone d'ici à 2050, n'est pas sur cette voie. Ses émissions de gaz à effet de serre ont reculé depuis 1990, notamment dans l'industrie manufacturière, mais transports, résidentiel, agriculture restent de forts contributeurs. Et ce bilan n'inclut pas l'empreinte des importations.
Le plan gouvernemental prévoit de soutenir l'hydrogène vert, technologie d'avenir pour les transports volumineux, l'industrie et le stockage d'énergie. Un appel à projet franco-allemand est dans les tuyaux, indique-t-on à Bercy, alors que les Allemands viennent d'annoncer un plan de 9 milliards.
Et quid du train? Rien n'a encore été annoncé, même si le gouvernement a "des ambitions très fortes sur le ferroviaire" et compte accompagner la SNCF, assure à l'AFP la ministre de l'Écologie Elisabeth Borne.
La compagnie nationale, qui a perdu 4 milliards d'euros de revenus avec la crise, risque de devoir reporter des investissements, a prévenu son président Jean-Pierre Farandou.