"Avec l'archéologie, (...) nous partageons finalement une passion commune qui est la passion du sol et du sous-sol", a résumé jeudi, lors d'une conférence de presse, Nicolas Vuillier, président de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem), principale fédération du secteur.
"Les carriers, c'est pour aller y chercher les ressources minérales et les archéologies c'est pour aller y expliquer l'occupation humaine (...) sur les territoires en question", a-t-il détaillé.
M. Vuillier s'exprimait à l'occasion du lancement d'un site internet: celui-ci illustre, à travers la carte interactive d'une trentaine de carrières françaises, les découvertes archéologiques réalisées dans ces endroits d'où sont extraits les matériaux servant ensuite à l'ensemble des constructeurs.
Ce site, un "atlas numérique" rempli d'explications fouillées et de vidéos, est né d'une collaboration entre l'Unicem et une autre fédération, l'Union nationale des producteurs de granulats (UNPG), ainsi qu'un institut public d'archéologues, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
"Comme quand vous cherchez un restaurant, là, en l'occurrence, vous cherchez une carrière (...) et il y a bien plus d'informations que quand vous cherchez (des éléments) sur un restaurant: vous avez la fiche, les éléments historiques, qui a fouillé, la datation", a décrit Dominique Garcia, président de l'Inrap à propos du site consultable à l'adresse archeologie-carrieres.inrap.fr
Ces découvertes ne se limitent pas à des temps reculés: près de Caen, où vient d'être commémoré le débarquement du 6 juin 1944, on a ainsi découvert voici cinq ans une carrière où s'étaient réfugiés des civils pris sous les bombes, lors des deux mois de bataille qui avaient suivi le début de l'offensive alliée.
Liens historiques
Les archéologues et les exploitants de carrières sont habitués à travailler ensemble: née dans les années 1960 dans un contexte de grands travaux immobiliers, l'archéologie "préventive" vise à sauvegarder les potentiels vestiges situés sur un chantier.
Depuis 2001, une loi encadre cette collaboration. Si, après un premier diagnostic, le site est jugé prometteur en matière archéologique, l'exploitant de la carrière doit engager à ses frais des fouilles, mais il peut aussi s'en abstenir en déplaçant le lieu des travaux.
C'est "un système vertueux qui nous oblige à travailler ensemble", a estimé M. Garcia. "Grâce aux travaux qui sont produits par les carrières, les archéologues puisent des informations. Ensuite, (...) elles ne sont plus sur le terrain et l'aménageur peut construire sur cet emplacement."
Au-delà de ce cadre juridique, l'archéologue insiste sur les liens historiques entre sa discipline et l'activité économique autour des carrières, soulignant que ce sont ces rapports qui ont permis les premières découvertes autour de la préhistoire.
"C'est en exploitant, dans la vallée de la Somme au 19e siècle des granulats que l'on est tombé sur les premiers silex", a expliqué M. Garcia. "Si on n'avait pas exploité ces granulats, on n'aurait pas trouvé ces vestiges et donc, on ne se serait pas interrogés sur l'ancienneté de l'humanité."
"On s'intéressait aux églises, on s'intéressait aux temples et pas forcément aux niveaux les plus anciens qui étaient enfouis dans le sol", a-t-il insisté. "L'archéologie a été inventée en fin de compte chez les carriers."
Cette semaine encore, c'est un enfant de professionnel des matériaux, l'archéologue Miguel Biard, qui a annoncé une découverte remarquée à Angoulême: des gravures de chevaux remontant à 12.000 ans.
"Petit, son papa était marinier et transportait des matériaux sur la Seine", a raconté M. Garcia. "Il était assis sur les tas de sable que transportait son papa et (...) il collectionnait les silex qu'il triait le temps que son père transporte les matériaux."
Enfin, les carrières deviennent à leur tour des objets de patrimoine, comme l'illustre l'exemple près de Caen, et l'archéologue nuance à ce titre l'idée simpliste d'une activité économique qui abîmerait un patrimoine inébranlable.
"On visite les grandes carrières antiques, les grandes carrières médiévales (...) non pas comme quelque chose qui a détruit l'environnement mais comme quelque chose qui (en) est constitutif", a-t-il conclu. "L'environnement est quelque chose de fabriqué par l'homme."