"Le marché est (...) extrêmement dynamique", se réjouissait début juin Charles-Marie Jottras, président du réseau spécialisé Daniel Féau, filiale du britannique Christie's, résumant lors d'une conférence de presse le sentiment général du secteur.
A Paris et ses environs, qui représentent la grande majorité de l'immobilier de luxe en matière de résidences principales en France, le nombre de biens vendus par Daniel Féau a progressé de plus de 30% sur les cinq premiers mois de 2018, par rapport à la même période de l'année précédente.
"L'appartement très +chaud+, c'est le familial de M. Bourgeois-Tout Le Monde", précise M. Jottras, évoquant les biens de moins de 150 mètres carrés et compris entre un et deux millions d'euros.
Signe de l'excitation du marché, les ventes sont très rapides: tandis que Daniel Féau a réduit de moitié le délai moyen de vente de ce type d'appartements, son grand concurrent Barnes fait état d'un bond de ses "ventes éclairs" - en quelques jours et sans négociations - dans la capitale.
Quant aux prix, ils montent encore, même si leur progression est modérée: chez Daniel Féau, ils gagnent près de 4% pour les biens de moins de deux millions d'euros, un peu plus de 1% entre deux et quatre millions et près de 6% au-delà de quatre millions, un segment de niche certes peu représentatif.
"Il y a eu un effet Macron très clair (...) depuis l'été dernier", met en avant M. Jottras.
Les différents réseaux spécialisés sont unanimes à considérer que l'élection de M. Macron en mai 2017 a établi un climat jugé plus favorable par la clientèle fortunée de l'immobilier de luxe. Ils en avaient déjà constaté les effets positifs à la fin de l'an dernier.
"La confiance est revenue d'abord des étrangers puis des Français eux mêmes", avec le retour d'expatriés, remarquait mi-juin Thibault de Saint-Vincent, président de Barnes, lors d'une table ronde de dirigeants du secteur.
Alignement sur l'international
Pour autant, il diagnostiquait d'autres facteurs, au-delà du nouveau président de la République: le niveau toujours très bas des taux, qui bénéficie à l'ensemble du secteur immobilier, les conséquences persistantes du vote britannique de 2015 en faveur du Brexit, qui font gagner en attrait Paris face à Londres, et un phénomène général de "rattrapage" du marché français après des années moroses dans le sillage de l'élection de François Hollande en 2012.
"Le marché français est en train de s'aligner sur les autres (pour) l'immobilier de prestige", appuyait lors de la même table ronde Laurent Demeure, président du réseau Coldwell Banker France. "On voit le retour des citoyens Français de Londres, qui rachètent (...) sur Paris, sur Bordeaux ou sur Lyon."
Reste que M. Demeure, à l'unisson du secteur, regrette un "rendez vous manqué d'Emmanuel Macron avec les expatriés revenus sur le territoire français": la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI).
C'est tout le paradoxe des rapports du secteur avec le chef de l'exécutif: s'il tient un discours bien accueilli par la clientèle, sa politique fiscale est marquée par cette mesure de nature à décourager les investissements dans l'immobilier.
Pour l'heure, les réseaux sont clairs: le nouvel impôt a eu très peu, voire pas du tout d'effet sur leurs opérations. C'est pour la suite qu'ils sont méfiants.
"L'IFI, les gens vont s'en apercevoir en payant leurs impôts cette année, l'année prochaine...", craint M. Saint-Vincent.
Plus largement, avec la synchronisation du marché français et du reste du monde ainsi que la perspective de remontée des taux, "on peut penser que le marché va se calmer", conclut-il. "Le rattrapage a déjà fortement eu lieu."