"Enlever un jour de congé pour booster la croissance, c'est un peu une fausse bonne idée qui réapparaît en France après chaque crise et qui équivaut à une baisse de salaire déguisée", commente auprès de l'AFP Grégory Claeys, économiste à l'institut Bruegel à Bruxelles.
Le débat a ressurgi récemment avec une proposition du Medef, toutefois rapidement remballée face à l'hostilité des syndicats.
En temps normal, travailler un jour supplémentaire a un effet bénéfique sur la croissance, cependant considéré comme "marginal" par les économistes. Avant la crise, l'Institut national de la statistique avait ainsi estimé à +0,12 point l'effet positif du calendrier en 2020, qui compte deux jours ouvrés supplémentaires par rapport à l'année précédente.
Inutile d'espérer accroître cet effet positif en augmentant significativement le nombre de jours ouvrés, préviennent les économistes. Car cela aurait des conséquences négatives - notamment sur la productivité - et pénaliserait certains secteurs d'activités.
Raccourcir les vacances d'été de quelques semaines, par exemple, provoquerait un choc supplémentaire chez les professionnels du tourisme et du loisir. "Cela reviendrait à transférer l'activité d'un secteur à un autre, sans véritablement apporter d'avantage à l'économie dans son ensemble", explique à l'AFP Alexandre Delaigue, professeur d'économie à l'université de Lille.
Augmenter le nombre de jours travaillés à l'échelle d'un pays permet éventuellement de répondre à un problème d'offre insuffisante ou de compétitivité. Afin d'améliorer cette dernière, le Portugal avait ainsi décidé en 2012 de rayer du calendrier quatre jours fériés. Avant de les rétablir quelques années plus tard.
Autre cas de figure: en France, entre 2004 et 2008, le lundi de Pentecôte a été un jour férié non chômé, au cours duquel de nombreux salariés ont travaillé sans être rémunérés afin de financer la prise en charge des personnes dépendantes.
Mais à présent "nous avons un problème de demande qui est faible en France et partout dans le monde", en raison des mesures sanitaires pour limiter la propagation de l'épidémie, souligne M. Claeys. Vêtements, meubles ou voitures n'ont guère trouvé preneurs pendant le confinement.
Ajustements ciblés
Pour accompagner la reprise, "nous avons besoin de flexibilité, plutôt que d'une augmentation générale de la durée du travail", indique à l'AFP Agnès Bénassy-Quéré, professeure à l'université de Paris 1 Panthéon Sorbonne.
"Une journée de travail plus longue pourrait être extrêmement utile aux entreprises des secteurs où la demande est présente, étant donné que nous avons du mal à réallouer la main d’œuvre rapidement", complète-t-elle.
Les commerçants, qui retrouvent leur clientèle mais doivent réduire le nombre de personnes accueillies simultanément par précaution sanitaire, pourraient par exemple réaliser un nombre de ventes plus important sur une journée allongée.
Dans le secteur du bâtiment, cela permettrait d'opérer une forme de rattrapage sur les chantiers qui ont été interrompus.
Lorsque l'activité sera repartie, "aménager d'une manière un peu différente le travail pourrait vraiment améliorer les choses dans certaines entreprises, mais ce type de décision doit être pris au cas par cas et en concertation avec les salariés", précise M. Delaigue.
Certaines lois permettent de mettre en place des ajustements, en ayant recours notamment aux heures supplémentaires ou à l'annualisation du temps de travail.
Mais "pour l'instant, l'urgence c'est de voir comment les entreprises vont pouvoir fonctionner, nous avons besoin de solutions originales et adaptées aux différents secteurs", estime M. Delaigue.