Après l'automobile ou le rail, l'UE se penche sur l'industrie photovoltaïque: ces enquêtes sont lancées alors que les Vingt-Sept cherchent à muscler leurs parcs d'énergies renouvelables tout en réduisant leur forte dépendance à la Chine dans l'éolien et le solaire.
Les procédures, visant deux consortiums distincts, s'inscrivent dans le cadre de nouvelles règles entrées en vigueur mi-2023 pour empêcher les subventions de pays tiers soupçonnées de créer une concurrence déloyale dans l'UE dans le cadre d'appels d'offres.
Le premier consortium ciblé associe le groupe roumain Enevo et une filiale --basée en Allemagne-- du géant chinois Longi, premier fabricant mondial de cellules photovoltaïques.
Le second associe deux filiales entièrement contrôlées par le même groupe étatique chinois, Shanghai Electric, sous étroite supervision du gouvernement central.
Ces deux consortiums sont candidats pour concevoir, construire et exploiter un parc photovoltaïque en Roumanie, d'une puissance installée de 110 MW, partiellement financé par des fonds européens.
Or, la nouvelle réglementation oblige les entreprises à notifier à Bruxelles leur participation à des appels d'offres publics dans l'UE "dont la valeur estimée dépasse 250 millions d'euros, et si elles ont bénéficié d'"au moins 4 millions d'euros de subventions financières étrangères au cours des trois années précédentes".
"A la suite d'un examen préliminaire, la Commission a estimé justifié d'ouvrir des enquête approfondies, car il existe des éléments suffisants indiquant que (ces groupes) ont bénéficié de subventions étrangères faussant les conditions du marché intérieur" au détriment d'autres entreprises, souligne-t-elle.
L'exécutif européen, qui dispose de quatre mois pour trancher, pourra soit donner son feu vert, soit interdire aux entreprises épinglées de participer à l'appel d'offres roumain, soit accepter les mesures proposées par les groupes eux-mêmes pour remédier à une éventuelle distorsion.
"L'ouverture d'une enquête approfondie ne préjuge pas de son issue", insiste Bruxelles.
"Jouer selon les règles"
"Les panneaux solaires sont devenus d'une importance stratégique pour l'Europe (...) Ces enquêtes visent à préserver la sécurité économique et la compétitivité de l'Europe, en garantissant que les entreprises sur notre marché unique soient véritablement compétitives et jouent selon les règles", assure le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton
L'UE s'est fixée comme objectif d'atteindre au moins 42,5% d'énergies renouvelables dans sa consommation d'ici 2030, contre 22% actuellement.
Le déploiement accéléré de panneaux photovoltaïques est facilité par l'effondrement des prix sur le marché mondial, mais a aussi renforcé la dépendance vis-à-vis de la Chine: l'UE importe 97% de ses panneaux solaires, pour l'essentiel du géant asiatique, selon Bruxelles.
Une offre mondiale fortement excédentaire et des importations massives maintiennent les fabricants européens sous forte pression.
"Coercition économique"
Bruxelles avait ouvert mi-février sa première enquête dans le cadre de la nouvelle réglementation anti-subventions, visant une filiale du constructeur ferroviaire chinois CRRC, numéro un mondial du secteur.
Ce groupe étatique, candidat pour la fourniture de trains électriques en Bulgarie, s'était finalement retiré fin mars de l'appel d'offres.
La Chambre de commerce chinoise dans l'UE s'est dite mercredi "gravement préoccupée" par ces enquêtes, exprimant son "sérieux mécontentement face (…) à l'usage de ce règlement comme nouvel outil de coercition économique" dans les technologies vertes.
L'organisation dénonce "un pouvoir discrétionnaire excessif accordé à la Commission" et des "définitions trop larges et ambiguës" concernant les aides étrangères "imposant des charges excessives et potentiellement discriminatoires à l'égard des entreprises étrangères, y compris chinoises".
Dans un autre cadre réglementaire, l'UE a lancé en septembre une enquête sur les subventions publiques chinoises aux automobiles électriques, afin de défendre l'industrie européenne face à des prix jugés "artificiellement bas".
Parallèlement, l'UE s'est accordée en février sur des allègements réglementaires qui doivent renforcer la compétitivité de ses technologies vertes face à la Chine et aux Etats-Unis.