Un sondage inédit pour comprendre les attentes des Français
En prévision du lancement de ses Assises Nationales de la Sobriété Foncière, qui se dérouleront les 3 et 4 juillet en simultané dans quatre villes de France (Aix-en-Provence pour la sobriété foncière en zone urbaine, Fort-de-France pour la sobriété foncière en zone forestière et la protection de la biodiversité, Épernay pour la sobriété foncière en zone périurbaine et rurale et La Rochelle pour la sobriété foncière en zone littorale), l'Ordre des géomètres-experts tenait à inscrire les débats qui s'y tiendront dans un contexte d'opinion publique connue et mesurée.
Pour Séverine Vernet, la Présidente du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts : « La sobriété foncière implique un changement de paradigme dans l'acte d'aménager qui impactera, de facto, le cadre de vie des Français. Nous devons aujourd'hui tenir compte de leurs aspirations, de leurs réticences, pour rendre la trajectoire de sobriété foncière humainement acceptable. »
Le niveau de connaissance des Français sur la notion d'artificialisation
Les résultats du sondage pointent un niveau de connaissance assez hétérogène de l'artificialisation : plus de la moitié des sondés (61%) déclarent connaître le terme, et un tiers seulement prétend bien voir de quoi il s'agit (32%).
Pour les connaisseurs, ils associent le terme à la notion d'étalement urbain et de bétonisation, devant l'urbanisation, l'imperméabilisation des sols et la diminution des espaces verts. Seul un sondé sur dix évoque la pollution des sols.
En conséquence, sont communément jugés naturels un parc ou un jardin public végétalisé (82% de réponses), un jardin privé associé à une maison pavillonnaire (79%), voire même un cimetière végétalisé (68%).
Dans une moindre mesure, environ 6 Français sur 10 considèrent comme naturels les espaces végétalisés intégrés à des constructions : espaces verts d’un ensemble d’immeubles collectifs (62%), pelouse plantée d’arbres dans une zone d’activités commerciales (60%) ou encore cour de récréation végétalisée (57%).
Enfin, seul le terrain de football engazonné est majoritairement considéré comme artificiel parmi la liste présentée (42% indiquent qu'il s'agit d'une surface naturelle).
L'adhésion des Français à la lutte contre l'artificialisation : d'un consensus de principe à une mise en oeuvre plus compliquée
Les Français se disent tout d'abord largement favorables à la loi "Climat et Résilience" de 2021 concernant la densification urbaine et l'arrêt des constructions sur les espaces naturels et agricoles (81% dont 28% de "très favorables"). Sur le même principe, les sondés se disent favorables à une plus grande densité urbaine dans les îlots urbains qui bénéficient de jardins privés (73%, dont 23% "très favorable").
Toutefois, si l’idée de densification urbaine leur semble bonne, force est de constater que les Français préfèreraient qu’elle se concrétise ailleurs que chez eux.
En effet, lorsqu’on leur demande de se projeter dans la situation où une nouvelle construction devrait s’implanter à proximité de leur jardin privé, un Français sur deux aurait alors envie de déménager (52%). En parallèle, il convient de relever qu'un Français sur cinq accepterait néanmoins la situation par conscience des enjeux de limitation de l’espace urbain (20%).
Sur les mesures liées à la végétalisation, il est intéressant de noter qu'une majorité écrasante de sondés (90%) se disent favorables à des mesures visant à planter de la végétation dans les villes et villages pour les rafraichir, préserver et reconquérir la biodiversité. Cette opinion domine dans toutes les catégories de population.
Des Français attachés à leur cadre de vie
La densification peine à convaincre les sondés, qui craignent pour leur cadre de vie.
Il faut dire que si les raisons de déménagement sont assez variées, les Français cherchent avant tout : un endroit plus calme, moins peuplé (39% de mentions), avec plus de verdure (34%) et davantage d’espace de logement (32%)...
Face à cette quête de calme, verdure et lumière, la perspective de nouvelles constructions génère une dissonance dans l’opinion.
Sans surprise au regard des préférences des Français, les constructions les plus rejetées seraient, de loin, celles qui dégradent l’accès à l’extérieur depuis l’intérieur, avec plus de la moitié des Français qui les trouveraient très gênantes :
- Des constructions qui font de l’ombre ou diminuent la luminosité du logement (90% gênant, dont 59% « très gênant »).
- Des constructions qui cachent la vue (88% gênant, dont 60% « très gênant »).
- Des constructions qui ont une vue sur l’habitation, balcon, jardin (85% gênant, dont 55% « très gênant »).
Néanmoins, les Français sont conscients de l’enjeu. Afin de limiter l’utilisation de nouvelles terres agricoles pour l’urbanisation, la grande majorité serait prête à loger en zone urbaine, avec une préférence pour le centre-ville d’une agglomération (48% des citations) ou sa périphérie (48%), plutôt que pour le centre-bourg d’une commune rurale (36%) ou sa périphérie en lotissement (9%).
Pour Séverine Vernet : « Ces résultats nous confortent dans notre volonté ; la sobriété foncière ne peut réussir sans la compréhension et l'adhésion de la population. Impliquer l'opinion publique dès le départ va permettre d'adapter la stratégie aux préoccupations des habitants. Pour assurer une mise en œuvre efficace et durable de la sobriété foncière, il faut qu'elle soit acceptable ! »
La sobriété foncière : une priorité pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Pour plus de la moitié des sondés, densifier les villes est une bonne chose face au réchauffement climatique (60%, contre 39% qui estiment que c'est une mauvaise chose). Les habitants du centre-ville sont d'ailleurs prêts à accueillir des résidents supplémentaires : ils sont plus nombreux à croire en cette politique (68%).
Néanmoins, le sujet divise les Français qui l’associent également à une vision technocratique (50%) et à un handicap pour le développement de l’économie et la croissance (49%).
Enfin, la densification des espaces déjà urbanisés apparait nettement comme l’option la moins efficace pour lutter contre le dérèglement climatique (seulement 9% des citations).
Les Français lui préfèrent d’autres mesures, comme intégrer des énergies renouvelables dans les constructions (39%), créer des espaces verts et des infrastructures végétalisées (33%), favoriser l’agriculture durable et de proximité (30%), diminuer l’extension de l’urbanisation sur les espaces naturels (29%) ou promouvoir les transports durables et les mobilités douces (27%, dont 38% en Ile-de-France).
Pour Bruno Jeanbart, Vice-président d'Opinionway : « On voit qu'en matière de sobriété foncière, le passage du principe au concret pose des difficultés. C'est le signe que les oppositions peuvent être assez fortes sur le terrain et se transformer en contestations. Il faut, je pense, privilégier des mises en oeuvre au plus proche du terrain pour entraîner l'adhésion à ces principes. On note également une différence de perceptions en terme d'acceptabilité : les habitants des villes y sont plus sensibles, alors que le sujet pourrait être plus complexe dans le périurbain, un territoire qui sera d'ailleurs assez concerné par le sujet. Les pouvoirs publics doivent l'intégrer dans leurs réflexions. »
Pour accéder aux résultats du sondage réalisé par Opinionway pour l'Ordre des géomètres-experts "Que pensent les Français de la sobriété foncière ?", c'est ici.
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