Longue de trois kilomètres, bordée par le jardin des Tuileries et le quartier du Marais, cette rue très largement réservée aux piétons, cyclistes et bus depuis mai 2020 affiche une bonne santé commerciale, selon une étude du spécialiste de l'immobilier d'entreprise JLL commandée par la Ville.
"Il y a quelques années à cet endroit, c'était quasiment non-stop des embouteillages et des klaxons. Aujourd'hui la rue est apaisée et cela aide, contrairement aux croyances stupides de beaucoup de commerçants qui ont peur de perdre le chiffre", assure Sylvain Dauphin. Lui compte parmi ses clients des Parisiens, habitants de la proche banlieue ainsi que des touristes louant des Airbnb, nombreux à ce niveau de la rue.
Face aux flux ininterrompus de vélos dans les deux sens, il faut faire attention en traversant pour atteindre les commerces. "Les gens ont peur de se faire renverser par les cyclistes, qui ne s'arrêtent jamais !", peste une vendeuse sous couvert d'anonymat.
"Le quartier s'est vidé et les gens ne s'arrêtent plus pour consommer. Cela ne nous a rien rapporté, cela nous a desservis", martèle celle qui travaille dans cette fromagerie depuis près de 20 ans.
"Diversité" des commerces
Même son de cloche dans une épicerie qui a perdu des habitués. Lorsqu'une cliente remarque que la rue est très bien desservie en transports en commun, une autre lance: "Mais c'est l'apocalypse ! Qui va se taper le RER B pour aller acheter du miel ?!"
La rue de Rivoli affiche pourtant un taux de vacance des locaux parmi les plus faibles à Paris (5,3%, contre 9,7% à Opéra) en dépit de loyers commerciaux exorbitants, jusqu'à 3.200 euros le mètre carré par an, contre 2.000 boulevard Saint-Germain.
"Cela montre bien que l'aménagement et l'apaisement n'ont pas du tout changé la +commercialité+ de la rue", souligne auprès de l'AFP Nicolas Bonnet-Oulaldj, adjoint communiste à la maire de Paris chargé du commerce, qui se félicite de la "diversité" des enseignes.
Ariel Weil, maire PS de Paris-centre, cite l'exemple de Barcelone et Rome : "quand on redonne la place aux piétons et aux mobilités douces, l'attractivité des artères commerciales s'en trouve renforcée".
L'opposant de droite Aurélien Véron n'est pas de cet avis, estimant que "la dynamique n'est pas homogène" et que "le tourisme est en train de prendre la place des derniers habitants". Il regrette une politique anti-voiture qui exclut selon lui les personnes âgées, familles nombreuses et personnes à mobilité réduite.
VTC très remontés
Eléonore de Boysson, présidente de la Samaritaine, se félicite que le grand magasin, qui accueille en son sein l'hôtel 5 étoiles Cheval Blanc, "incarne le dynamisme de ce quartier en passe de redevenir l'un des plus hype". Mais elle espère que l'aménagement de la rue sera amélioré.
"Il n'y a pas de parc de stationnement pour les vélos, les pistes cyclables ne sont pas suffisamment identifiées ni sécurisées et la traversée pour les piétons peut représenter un danger", dit-elle à l'AFP.
A quelques centaines de mètres de là, le Bazar de l'Hôtel de Ville (BHV) est "un exemple typique de commerce qui vit mal", affirme Aurélien Véron. Au début du réaménagement, "les clients râlaient parce qu'ils ne voulaient pas payer le parking" où ils étaient désormais obligés de laisser leur voiture, se souvient un vendeur de meubles. "Cela nous a impactés".
"Notre ambition est de donner un nouveau souffle au BHV et d'en faire le grand magasin des Parisiens", commente auprès de l'AFP un porte-parole de l'enseigne, rachetée en novembre aux Galeries Lafayette par la Société des Grands Magasins.
Les VTC, eux, ne décolèrent pas contre leur exclusion de la liste des véhicules pouvant accéder à la rue de Rivoli. Uber a ainsi déposé fin janvier un recours contre la mairie.