L'accord en commission mixte paritaire (CMP) est indispensable pour un vote final, à haut risque pour l'exécutif, jeudi, à l'Assemblée nationale.
"Plus que jamais le gouvernement cherche à ce qu'une majorité naturelle puisse soutenir cette réforme urgente et cruciale pour notre pays", a déclaré son porte-parole Olivier Véran, à l'issue du Conseil des ministres.
Un éventuel recours à l'article 49.3 pour adopter la réforme phare du second quinquennat d'Emmanuel Macron, "n'a pas été évoqué" à cette occasion, a-t-il affirmé.
Pour cette huitième journée de mobilisation, les grèves restent très suivies chez les électriciens et gaziers ainsi que chez les éboueurs, notamment à Paris, mais le mouvement semble s'essouffler dans le secteur pétrolier et les transports.
Dans la rue, la police prévoit entre 650 et 850.000 manifestants, moins que le 7 mars, point fort de la mobilisation (1,28 million). Le cortège parisien s'ébranlera à 14H00 des Invalides pour terminer place d'Italie.
En attendant, la CMP -sept députés, sept sénateurs, et autant de suppléants- planche au Palais-Bourbon.
"On a une responsabilité sur les épaules : préserver le système par répartition", a commenté avant d'entrer dans la salle, le député Modem Philippe Vigier. Les carrières longues seront "certainement l'objet d'une discussion".
Des tractations ont lieu jusqu'au bout entre le gouvernement et Les Républicains, pourvoyeurs de voix indispensables pour le camp présidentiel qui ne dispose que d'une majorité relative.
L'exécutif a déjà concédé à la droite un recul de l'âge de départ à 64 ans, et non 65, ainsi qu'un relèvement des petites pensions élargi aux retraités actuels.
"Contre"
Mais la question des carrières longues reste le principal point de friction.
"Je voterai contre" la réforme si un dispositif comprenant une durée maximale de cotisation de 43 ans pour l'ensemble des salariés n'est pas validé, a indiqué sur franceinfo Aurélien Pradié (LR).
L'opposition de gauche dénonce "un manque de débat" lors de la CMP. "De petits détails ont été modifiés, des loups se cachent partout", a accusé lors d'une pause un de ses membres, le député socialiste Arthur Delaporte, dénonçant "une vaste blague".
Le gouvernement compte sur la commission pour trouver un compromis. Mais sans toucher au coeur du texte, le recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. Un accord est probable car les macronistes et la droite y sont majoritaires.
En cas de succès, le texte sera soumis jeudi matin au Sénat, dominé par la droite, qui le validera une dernière fois.
Mais le suspense demeure sur le vote qui doit suivre dans l'après-midi à l'Assemblée nationale avec les divisions qui perdurent chez Les Républicains.
"Ce n'est pas un vote d'adhésion, c'est un vote de responsabilité", a martelé sur Europe 1 à l'intention de la droite Olivier Véran.
"Jusqu'au dernier moment, il y aura une incertitude", relève à l'AFP une source gouvernementale.
49.3 ?
Ces doutes laissent planer la possibilité que le gouvernement déclenche l'article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote.
Plusieurs voix dans le camp des Républicains ne s'opposent pas à cette hypothèse. "Il vaut mieux un 49.3 que pas de réforme du tout", a estimé sur France Inter le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau.
Y avoir recours serait toutefois perçu comme un geste politique ravageur, susceptible de durcir le mouvement comme l'ont averti plusieurs leaders syndicaux.
D'autant que l'exécutif a déjà choisi de restreindre à 50 jours le débat au Parlement et de dégainer au Sénat un outil lui permettant un vote bloqué sur l'ensemble du texte.
Utiliser le 49.3 expose aussi l'exécutif à une motion de censure.
Marine Le Pen (RN) a indiqué qu'elle en déposerait une, qui aurait peu de chances d'être adoptée. Elle s'est aussi dite prête à voter une motion de censure transpartisane qui pourrait attirer des élus de la Nupes, quelques Républicains et des députés indépendants.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a appelé sur BFMTV les élus à "voter en âme et conscience", dénonçant "une réforme injuste et brutale".
Les grèves reconductibles se poursuivaient, même si on est loin d'une "France à l'arrêt".
Les quatre terminaux méthaniers ont voté la reconduction de leur mouvement jusqu'au début de la semaine prochaine.
Quelque 7.000 tonnes d'ordures s'amoncellent à Paris et les déchets s'accumulent aussi dans plusieurs villes de l'Ouest comme Rennes et Nantes.
A la SNCF, le trafic reste perturbé avec 3 TGV Inoui et Ouigo sur 5; 1 Intercités sur 3; et 2 TER sur 5.
Du côté des universités, plusieurs blocages ont eu lieu notamment à Sciences Po Paris, sur le site de Tolbiac de l'université Paris 1-Sorbonne, à Lyon et Lille.
Dans la nuit de mardi à mercredi, des coupures de courant ont été provoquées dans le Var, qui ont touché la résidence présidentielle du Fort de Brégançon. En Corse, plusieurs centaines de clients restaient privés d'électricité mercredi.