"2020 devait être une très belle année pour nous, mais nous avons dû fermer cinq mois et demi", dit à l'AFP Philippe Monnin, un ex-conseiller en gestion de patrimoine qui a fondé avec son épouse avocate d'affaires le groupe hôtelier Millésime, à la tête d'une dizaine d'établissements à Bordeaux, Reims, Montignac, La Baule, Porto, Megève... et de futurs qui ouvriront en 2022 et 2023.
Depuis 2015, tous deux reprennent "des bâtiments plutôt à l'état de ruines, qui ont une âme, pour les restaurer dans les règles de l'art et y développer une activité tournée vers l'art de vivre", mêlant hôtellerie et restauration.
Ces "maisons", qui emploient 200 salariés, sont codétenues avec des investisseurs: au départ une vingtaine de familles fortunées, aujourd'hui des acteurs institutionnels.
Pour l'heure, la société de M. Monnin "tient le choc grâce aux aides de l'État" mais il s'attend à voir la fréquentation repartir en flèche, lorsque le tourisme de loisirs reprendra grâce à l'avancée des campagnes de vaccination.
Beaucoup tablent sur une reprise vigoureuse du tourisme de loisirs alimenté par une clientèle de l'Hexagone et d'Europe, alors que le tourisme d'affaires devrait ne redémarrer que lentement, vers 2023 ou 2024, de concert avec l'activité de congrès et séminaires, tout comme les palaces parisiens ou de la Côte d'Azur à la fréquentation très internationale.
L'an dernier les ventes d'hôtels en France n'ont représenté que "900 millions d'euros contre 2,1 milliards d'euros par an d'ordinaire", rapporte Gwenola Donet, responsable du secteur hôtelier au sein du cabinet immobilier JLL.
"Partager le gâteau"
Mais "en France, grâce aux aides gouvernementales, les propriétaires n'ont pas été acculés à vendre", dit-elle. "Beaucoup d'investisseurs s'attendaient à ce grand soir, qui n'est pas venu", grâce aussi au "soutien des banques, qui n'ont pas dit 'Je veux mes intérêts, sinon c'est dehors !'".
"Il y a eu une vraie pause de l'investissement, mais il y a cette conviction qu'on va repartir", poursuit Mme Donet. Du fait de l'abondance des capitaux disponibles sur les marchés et du "peu d'actifs à vendre" en France, "la correction sur les prix y a été limitée, de 7 à 12%".
En 2020, onze ventes ont été conclues sur le marché hôtelier hexagonal par Christie & Co, la société de conseil en immobilier la plus active dans le secteur en Europe en 2020, selon Real Capital Analytics (RCA).
Parmi elles, le rachat en novembre du plus grand Holiday Inn de France, un hôtel d'affaires milieu de gamme de 262 chambres, situé porte de Clichy à Paris, par les sociétés Extendam et Catella Hospitality Europe.
Le montant de cette transaction, qui n'est pas connu, a subi "une correction de valeur liée à l'impact de la Covid-19", a fait savoir Catella, se disant confiant dans l'hôtellerie, qui "continuera à générer des rendements supérieurs à ceux du marché immobilier locatif classique".
"Comme tout le monde, lors du premier confinement on s'est dit +L'année est fichue+... mais on s'est aperçu que, que les hôtels soient fermés ou qu'ils aient des résultats très bas, l'intérêt pour l'immobilier hôtelier n'a pas baissé. Dès le mois de mai on a recommencé à avoir des coups de fil", explique à l'AFP Philippe Bijaoui, directeur de Christie & Co France.
Pour Mme Donet, "il y a certes un trou d'air à passer, mais la crise aura aussi à long terme, des effets positifs: en mode survie, les hôteliers ont repensé leur structure de coûts et se sont posé les bonnes questions".
En 2022, "toute la clientèle ne sera pas encore de retour, il faudra partager le gâteau. Il faudra séduire, avoir un service impeccable, une équipe très avenante et des prix bien positionnés", conclut-elle. "Ce sera l'heure de vérité".