Comme tous les ans, une courte première partie s'attaque à la situation des finances publiques. Le reste des 700 pages s'intéresse cette année à l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique.
Trajectoire "fragile" des finances publiques
La Cour des comptes a estimé que la trajectoire de déficit public présentée par le gouvernement dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 était "peu ambitieuse" et "fragile".
Revenir en dessous d'un déficit public représentant 3% du PIB en 2027 est "peu ambitieux", a estimé la juridiction, reprochant notamment au gouvernement d'entériner "un déficit croissant de la Sécurité sociale" (à 17,2 milliards d'euros, contre 8,7 actuellement).
Mais cette trajectoire est aussi "fragile", car elle ne comprend "aucune marge de manoeuvre en cas de scénario moins favorable" que les hypothèses "optimistes" sur lesquelles s'appuie le gouvernement.
Économies générales pas assez documentées
La Cour des Comptes estime qu'au moins 50 milliards d'euros d'économies seront nécessaires d'ici 2027 pour faire repasser le déficit public sous les 3% du PIB. Elle reproche au gouvernement que ces efforts "inédits" soient "non documentés et renvoyés à la période 2025-2027".
Ces économies seront "d'autant plus difficiles" que "la hausse des charges d'intérêts et de nombreuses lois de programmation sectorielle (Défense, Justice, Intérieur, Recherche) orientent déjà la dépense publique à la hausse", outre les futures dépenses sur la transition écologique.
L'adaptation au changement climatique pas chiffrée
La Cour regrette par ailleurs "l'absence de chiffrages exhaustifs et cohérents pour l'ensemble des acteurs publics" des dépenses qui seront nécessaires pour adapter la France au changement climatique.
"L'évaluation des coûts actuels et futurs de l'adaptation est lacunaire, voire inexistante, faute de données suffisantes mais également parfois d'objectifs clairs", déplorent les magistrats, enjoignant l'État de jouer "correctement son rôle de stratège".
L'armée doit en faire davantage pour se décarboner
La Cour des comptes demande aux armées françaises d'en faire davantage pour se décarboner et éviter un décalage à long terme avec le secteur civil, même si leurs missions spécifiques "justifie(nt) l'octroi de dérogations" pour l'utilisation de technologies fortement émettrices de gaz à effet de serre.
De meilleurs outils pour la SNCF
La Cour des comptes regrette que la SNCF, et plus particulièrement le gestionnaire d'infrastructures SNCF Réseau, "ne dispose pas des outils nécessaires à l'identification et à la mesure des coûts générés par le changement climatique" et l'exhorte à y remédier.
Les outils actuels - "Toutatis", pour anticiper les aléas liés aux fortes pluies, "Metigate" pour prévoir la température du rail et les risques de dilatation - ne permettent pas de "modéliser les effets du changement climatique". Certaines décisions comme le tracé de nouvelles lignes n'intègrent donc pas les risques liés au changement climatique, comme la hausse du niveau de la mer.
Urbanisme et logement laissent à désirer
Face à la multiplication des canicules, les villes françaises ont adopté "tardivement" des stratégies d'adaptation au changement climatique, constatent les magistrats, et elles ne répondent "que partiellement" aux enjeux.
Le "foisonnement" des stratégies inscrites au niveau local "appelle une rationalisation" pour mieux s'articuler avec la stratégie nationale d'adaptation, souligne le rapport, réclamant des trajectoires concrètes avec des "étapes à franchir et des objectifs à atteindre".
Le parc de logements est lui "très majoritairement inadapté" aux risques climatiques, comme la généralisation rapide des pics de chaleur. Les politiques de rénovation énergétique et thermique se sont surtout concentrées sur la réduction des émissions de CO2 avec des aides ciblées (changement du mode de chauffage), regrette la Cour, alors que les rénovations globales visant l'adaptation restent "rares".
Plus d'investissements pour les centrales nucléaires
La Cour demande des investissements supplémentaires pour adapter les 18 centrales nucléaires, les barrages et le réseau de distribution d'électricité français au réchauffement.
La juridiction recommande d'envisager "si nécessaire" un accroissement "des capacités d'entreposage" des centrales et souligne le besoin d'installation de tours aéroréfrigérantes dans les centrales dont la période de vie sera rallongée, afin de "réduire les températures de réchauffement des rivières".
Financement sur l'érosion côtière
La lutte contre l'érosion côtière, qui grignote 20% du littoral français, doit "sortir de la logique d'expérimentation" pour passer à l'action et planifier des relocalisations de logements et d'activités, estime la Cour.
Le rapport réclame un dispositif de financement "instituant une solidarité financière entre territoires littoraux et comprenant un reste à charge pour chaque collectivité (...) financé sur ses ressources".
Vers des regroupements forestiers ?
La Cour juge "insuffisant" le soutien public à la recherche sur l'adaptation de la forêt.
Elle appelle à des "regroupements forestiers" pour "améliorer l'efficacité de la gestion des forêts privées" et à un soutien renforcé aux communes forestières. Elle plaide pour une gestion par "une structure intercommunale", créée avec l'aide de l'État, qui permettrait des "économies d'échelle" dans l'élaboration des plans de gestion et de "mutualiser les risques".
Recherche publique: peut mieux faire
La recherche publique française "rayonne" au plan international dans les sciences du climat (observation de la Terre, services climatiques...), présente entre le 4e et 5e rang mondial des publications (6e sur le plan scientifique général).
Mais la Cour relève des "fragilités" dans la recherche pour atténuer les effets du réchauffement: le pays pointe entre le 10e et le 11e rang seulement. Elle préconise de "rééquilibrer" les moyens en faveur de la santé, pour réduire par exemple les risques infectieux aggravés par le climat, et de l'urbanisme, pour concevoir des bâtiments plus adaptés.