Le Premier ministre a réuni pendant près de trois heures les partenaires sociaux à Matignon pour sa deuxième "conférence du dialogue social" depuis juillet, juste après son arrivée, pour faire "un point d'étape" sur les chantiers en cours, notamment face à la crise sanitaire et sociale (plan jeune, reconversions professionnelles...).
A l'issue, un report de trois mois de l'application de la réforme controversée de l'assurance chômage, soit jusqu'au 1er avril 2021, a été annoncé, M. Castex indiquant toutefois qu'il "n'entend pas renoncer" à cette "réforme majeure".
L'exécutif avait déjà accepté en juillet de suspendre jusqu'au 1er janvier cette réforme, qui prévoit notamment un durcissement de 4 à 6 mois de travail pour ouvrir des droits et une réforme du mode de calcul des allocations défavorables à ceux qui alternent chômage et contrats courts.
Les responsables des cinq centrales syndicales ont réclamé à l'unisson l'abandon de la réforme, jugeant le simple report "absolument scandaleux" (Philippe Martinez, CGT) ou "complètement inadapté" (Cyril Chabanier, CFTC), et demandant "une réponse plus claire" (Yves Veyrier, FO).
"Cette réforme petit à petit, on est en train de faire la démonstration qu'elle n'est pas du tout adaptée à la période", a affirmé Laurent Berger (CFDT), François Hommeril (CFE-CGC) la dénonçant comme "punitive".
Côté patronal, le président de la Confédération des PME, François Asselin a estimé que le report posait la question du calcul du bonus-malus pour pénaliser les entreprises qui abusent des contrats courts.
La réunion, à laquelle participaient les ministres de l'Économie Bruno Le Maire et du Travail Élisabeth Borne, ainsi que le secrétaire d'État Laurent Pietraszewski, n'a pas débouché sur l'abandon d'un autre dossier ultra sensible aux yeux des syndicats: la réforme des retraites qui doit normalement revenir dans le débat fin 2020-début 2021.
"Le bon curseur"
Tous les participants ont insisté sur la gravité de la situation avec un couvre-feu, instauré dans 54 départements et qui risque de dégrader un peu plus la situation de l'emploi.
Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) a mis en garde contre un possible "écroulement" de l'économie en cas de reconfinement généralisé, comme au mois de mars, plaidant pour trouver "le bon curseur entre économie et santé".
Le sujet du télétravail a été "largement abordé" dans la discussion, alors que les partenaires sociaux doivent démarrer une négociation en vue d'un accord le 3 novembre. Le gouvernement l'encourage et souhaite éviter un reconfinement général. La ministre du Travail Élisabeth Borne a assuré lundi que le protocole en entreprise "est efficace" et "très bien appliqué".
Une mission va aussi plancher sur le cas des salariés de la "deuxième ligne" face au Covid-19. Elle aura la charge d'identifier ceux concernés. La CGT a jugé "scandaleux" l'intérêt tardif pour ceux "dont on parle depuis le mois de mars", la CFDT ajoutant qu'"il ne faut pas que ça aille trop lentement".
Les syndicats insistent depuis le confinement pour parler de ces salariés, afin d'étudier une "revalorisation des salaires, conditions de travail, emploi et carrières".
Le sujet du partage de la valeur en entreprise a, lui, été jugé non urgent par plusieurs participants côté patronal et syndical.
Face à la crise, des mesures "extrêmement fortes" ont été prises pour "atténuer l'impact" économique et social, et "obtiennent des résultats", a insisté M. Castex. Il a mentionné le plan pour l'emploi des jeunes dont les chiffres d'août et septembre sont "encourageants, notamment dans le domaine de l'apprentissage".
Le chef du gouvernement a aussi souligné le recours à l'activité partielle de longue durée, la formation professionnelle et la reconversion des salariés "qu'il nous faut par tout moyen privilégier sur les licenciements".
"Ces résultats concrets sont rendus possibles par le dialogue social" alors que "les accords dans les entreprises, dans les branches professionnelles n'ont jamais été aussi nombreux". "C'est le meilleur antidote à la crise", a-t-il martelé.