Face aux contaminations record du Covid-19 (près de 370.000 mardi), le protocole sanitaire en entreprise prévoit depuis le 3 janvier, pour trois semaines, que les employeurs fixent "un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent". Auparavant il prévoyait une simple "cible" de deux à trois jours par semaine.
Pourtant, selon un sondage Harris interactive pour le ministère du Travail, au cours de la semaine du 3 au 9 janvier, la part de télétravailleurs est restée stable par rapport à mi-décembre: parmi les actifs pouvant télétravailler facilement, 60% ont télétravaillé au moins partiellement (58% mi-décembre).
Le nombre de jours télétravaillés a néanmoins légèrement augmenté chez les actifs ayant déclaré télétravailler, passant de 3 jours en moyenne mi-décembre à 3,3 jours.
Ces résultats ont été jugés "pas à la hauteur de la situation sanitaire" par le ministère. Il défend, au vu de ces chiffres, la pertinence des amendes administratives prévues par le projet de loi instaurant le pass vaccinal (jusqu'à 1.000 euros par salarié pour les entreprises récalcitrantes), arguant "qu'on ne peut pas transiger avec la protection de la santé des salariés".
Or la majorité sénatoriale de droite a supprimé du texte ces sanctions, vivement contestées par le Medef. Cette disposition fait partie des "points durs" sur lesquels députés et sénateurs essaieront de trouver un compromis jeudi.
Le gouvernement entendait initialement mettre en place un pass sanitaire en entreprise, mais y a renoncé au vu de la fronde des partenaires sociaux. Il table aussi sur les contrôles, Mme Borne ayant demandé à l'inspection du travail de passer de 1.000 à 5.000 contrôles par mois.
Invité de BFM Business, le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a néanmoins rappelé que "les inspecteurs sont 2.000 pour 20 millions de salariés à contrôler", mettant en avant le "rôle d'alerte" des représentants des salariés face aux entreprises récalcitrantes, qui sont "quelques-unes" mais "pas beaucoup".
"Faire tourner la boutique"
Le problème se pose moins pour les grands groupes. A la Société générale, "on s'adapte face à cette nouvelle vague" avec 4 jours de télétravail par semaine pour les activités qui le permettent, les jours de présence étant lissés sur la semaine.
Selon Benoit Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH, "dans l'ensemble, les entreprises jouent le jeu". Mais il reconnaît que "le problème se pose toujours pour les petites boîtes parce qu'elle ont des effectifs assez tendus".
Or, dit-il, "le cumul du télétravail et des absences, des cas contact, des malades, etc., fait que quelquefois ça devient une espèce d'équation impossible pour avoir des gens dans la boîte".
C'est le problème que rencontre Charles, responsable d'une PME parisienne dans la mobilité.
"On n'est plus dans la léthargie du confinement. Les boîtes, il faut qu'elles tournent", dit-il. Mais aux 3 jours de télétravail "s'ajoutent les cas contact, les gardes d'enfants pour classes fermées, et ceux-là c'est du 100%. Donc si toute l'équipe (est à distance ou absente), comment tu fais tourner la boutique ?", dit-il, rapportant être obligé de ramener certains salariés à seulement un jour à distance.
Certains se heurtent aussi à l'opposition de leur employeur.
Paul (prénom modifié), 25 ans, rapporte à l'AFP que dans son entreprise de jeux vidéo, "les équipes de production n'ont pas le droit de télétravailler".
L'inspection du travail est venue mais s'est rangée aux arguments de la direction, qui a mis en avant l'enjeu de la cybersécurité pour refuser le télétravail, alors qu'une équipe interne est dédiée à ce sujet, dit-il.
"On se retrouve avec des cas contact dans mon open space", déplore ce salarié.
Un autre employé d'un cabinet d'expertise comptable explique que son employeur "invoque la raison de la confidentialité des informations et documents manipulés".
In fine, "on a hâte que ça se termine, le télétravail", rapporte Charles, mais "personne n'est dupe", ça ne durera pas trois semaines...