Le cadeau ne fera pas beaucoup d'heureux. Après une courte concertation, Elisabeth Borne va enfin présenter, le 10 décembre, les grandes lignes de la réforme des retraites, pierre angulaire du second quinquennat d'Emmanuel Macron.
L'exécutif a déjà commencé à préparer les esprits, multipliant les entretiens à la presse, les réunions de travail à Matignon et les dîners au sommet à l'Elysée. Mais les annonces de la Première ministre sont courues d'avance, balisées par la promesse présidentielle de repousser l'âge légal de 62 à 64 voire 65 ans. Cette dernière borne tient la corde.
"C'est le seul levier que nous avons", affirme le chef de l'Etat, qui exclut depuis le départ d'augmenter les cotisations ou de réduire les pensions. Cette mesure, assortie ou non d'une hausse de la durée de cotisation, risque de reléguer au second plan d'éventuelles contreparties sur la pénibilité ou les petites pensions.
La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a toutefois assuré dimanche que "le jeu n'(était) pas fait" sur les 65 ans. "Cela pourra, je pense, bouger si l'Assemblée veut aller dans ce sens-là et que le gouvernement y est prêt", a déclaré la députée Renaissance à France Inter-franceinfo-Le Monde.
Le report doit permettre de laisser aux partenaires sociaux et aux nouveaux dirigeants LR et EELV le temps "d'échanger" avec l'exécutif sur ce projet, a indiqué le chef de l'État.
Le texte, qui devrait ensuite être présenté en Conseil des ministres le 18 ou 25 janvier, devrait prévoir un report de l'âge de départ jusqu'à 64 ou 65 ans, mesure contestée par les syndicats dans un rare front unanime.
La CFDT indique dans un communiqué "prendre acte" du report, qui va lui "permettre" de "continuer à porter ses revendications prioritaires pour plus de justice sociale", notamment "un dispositif de carrières longues amélioré" et "un compte pénibilité qui intègre les trois critères ergonomiques pour donner droit à des départs anticipés". Mais le premier syndicat français "réitère son opposition à tout report de la borne d'âge de départ à la retraite", mesure "brutale qui pénaliserait d'abord les salariés les plus modestes".
Par la voix de sa secrétaire confédérale Céline Verzeletti, la CGT a estimé auprès de l'AFP que le report montrait "la fébrilité du gouvernement, qui craint une forte mobilisation". Même point de vue chez François Hommeril, président de la CFE-CGC, pour qui "l'exécutif est très inquiet - et il a raison - de ce que va être la mobilisation en janvier".
Comme le président de la République et son gouvernement "sont beaucoup dans la communication, peut-être qu'ils avaient peur" que le projet de réforme "passe inaperçu, ou que ça fasse mauvais effet d'annoncer ça au lendemain d'une qualification possible en finale de la Coupe du monde" de football, a relevé Michel Beaugas (FO).
"Ma première réaction, c'est de me demander: +C'est quoi ce bordel ?+ La deuxième, c'est de me dire qu'on gagne quelques semaines précieuses. La troisième, c'est la méfiance", résume Simon Duteil (Solidaires).
Pascale Coton (CFTC) y voit "une bonne chose", car "l'agenda allait trop vite". Elle espère que le gouvernement mettra à profit ce temps supplémentaire pour "reprendre" les propositions syndicales "sur les petites pensions, les carrières longues", et que ce report n'a pas été décidé "juste pour que les Français passent de bonnes vacances et de bonnes fêtes".
"Si c'est pour écouter les organisations syndicales qui font des propositions autres que le report de l'âge légal, c'est une bonne nouvelle", a abondé Dominique Corona (Unsa). "Mais si c'est simplement pour gagner du temps..."
Les syndicats vont-ils renoncer à appeler dès cette semaine à une première journée d'action en janvier ? "Nous allons être vigilants à ne tomber dans aucun piège", affirme François Hommeril.
Du côté de la CGT, "on sait qu'il faudra des mobilisations. On pense que, de toute manière, il faudra être prêt pour la première quinzaine de janvier", indique Céline Verzeletti. "Cela ne change rien pour nous en termes de mobilisation: on avait décidé d'attendre janvier, et il y aura une mobilisation en janvier", appuie Michel Beaugas (FO).
Génération 1961
Le gouvernement veut aller vite: un projet de loi en janvier, un vote au printemps, une entrée en vigueur à l'été, avec la "génération 1961" pour essuyer les plâtres. Comme une urgence, justifiée par le retour durable de déficits massifs, qui dépasseraient 12 milliards en 2027.
Impossible pour M. Macron de laisser un tel héritage à son successeur, surtout après l'échec de son projet de "système universel de retraite", stoppé net par le Covid. Le temps lui est donc compté, avant les élections européennes de 2024 qui sonneront la mi-temps de son mandat.
Tenté de passer en force au début de l'automne via le budget de la Sécu, il s'est résolu à patienter trois mois de plus. A peine assez pour consulter les partenaires sociaux, jouer l'ouverture et constater les désaccords de fond.
Car aucun syndicat n'accepte cette réforme, pas même la CFDT qui a durci sa position sur le sujet lors de son dernier congrès en juin. Depuis, son leader Laurent Berger martèle son opposition à toute "mesure d'âge" et met en garde contre une "réforme dure" qui provoquerait une "réaction sociale tout aussi déterminée".
Son homologue de la CGT, Philippe Martinez, enjoint aussi l'exécutif à "prendre ça au sérieux", mais sans se faire d'illusion: "Ils sont obstinés". Ses troupes savent aussi se montrer coriaces, comme l'ont rappelé les récents blocages de raffineries.
Ciotti (LR) posera ses "conditions" pour voter la réforme des retraites
Le nouveau président des Républicains Eric Ciotti a averti lundi qu'il poserait des "conditions" pour voter la réforme des retraites.
"Si cette réforme permet de sauver le système, nous y contribuerons par nos amendements à l'Assemblée nationale, au Sénat", a déclaré sur RTL le député des Alpes-Maritimes, qui a "toujours défendu une augmentation de la durée de cotisation ou de l'âge de départ".
"Si ça va dans ce sens, nous serons naturellement soucieux de l'intérêt général, mais il est trop tôt aujourd'hui pour vous dire ce que sera notre vote", a-t-il ajouté, relevant qu'il fallait attendre de découvrir le contenu du texte.
"Il y a des conditions, il y a des marqueurs que nous poserons: sauver le système de retraite, réhabiliter les petites retraites au niveau du SMIC, prendre en compte la pénibilité, voir aussi ce qui se passe sur les régimes spéciaux", a détaillé celui qui a été élu dimanche président de LR avec 53,7% des voix.
A quelques jours des vacances de Noël, le gouvernement doit dévoiler une réforme des retraites très contestée, que ses opposants se préparent à bloquer par tous les moyens, de la rue au Parlement.
Les annonces de la Première ministre sont courues d'avance, balisées par la promesse présidentielle de repousser l'âge légal de 62 à 64 voire 65 ans. Cette dernière borne tient la corde.
Sitôt proclamée l'élection d'Eric Ciotti à la tête du parti, plusieurs figures LR ont claqué la porte comme le maire de Metz François Grosdidier ou la patronne de la fédération de Haute-Garonne Laurence Arribagé.
"Ceux qui partent, c'est un soubresaut. Je ne les retiendrai pas", a réagi le député des Alpes-Maritimes. "Ce que je veux (...) c'est faire revenir ceux qui ont été déçus, que nous avons déçus".
"Il n'y aura jamais d'accord avec qui que ce soit", a-t-il également assuré, interrogé sur une éventuelle alliance avec Eric Zemmour.
"Nous sommes un parti qui a une histoire très forte, qui a écrit les plus grandes pages de la Ve République et nous allons gagner dans l'indépendance et dans la clarté sur une ligne à droite", a-t-il ajouté, renouvelant son souhait de voir Laurent Wauquiez porter le flambeau de LR à la présidentielle de 2027.