À la Cité des Sciences et de l'Industrie, où l'exposition "Évolutions industrielles" ouvre ses portes mardi, une bande son électro composée de bruits d'usines syncopés accueille le visiteur. Écrans numériques et installations artistiques l'accompagnent.
Une gravure représentant la "révolte du poivre" en 1400, tirée d'un livre de Marco Polo succède à une photo de trieurs de déchets dans un centre de recyclage d'ordures ménagères du 21 siècle.
Autour des thèmes "paysages transformés", "standardisation", "figures de travailleurs" ou "réseaux", des projections font découvrir l'histoire et l'actualité d'un monde devenu hyper-industrialisé bien qu'émaillé de poches de désindustrialisation.
Pour Astrid Fontaine, commissaire de l'exposition, la priorité était "de proposer une réflexion sur ce qu'est le processus d'industrialisation dans la vie des hommes".
"Nous avons voulu traiter de manière frontale la question de l'ambivalence de l'industrie, qui à la fois permet de vivre mieux et plus longtemps, et en même temps nous menace", résume-t-elle pour l'AFP.
Les partenaires de l'opération, chercheurs de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et industriels de la métallurgie (UIMM), ont d'abord dû se mettre d'accord sur une définition. Celle de l'historien Philippe Braunstein a prévalu : L'industrie est "une production quantitativement importante, régulière, de qualité constante, qui dépasse le marché local".
Hybridation
Dans un appartement témoin reconstitué, au décor familier, un film est projeté sur un mur de verre high tech fourni par l'entreprise Saint-Gobain, ode au progrès et à la technologie.
Il donne à réfléchir sur l'origine de chaque objet manufacturé du quotidien, sur la complexité des chaînes de valeur liées aux activités extractives ou aux transports internationaux : pour fabriquer un simple opercule de pot de yaourt, il a fallu d'abord trouver de la bauxite, puis la transformer en aluminium.
"L'idée était de montrer le déplacement des lieux de production" par rapport au consommateur final, dit Mme Fontaine.
Sept petites salles "capsules" focalisent sur des objets-icônes issus de matières transformées, qui à leur tour nous transforment: la boite de conserve, le T-shirt en coton, la machine à laver, la pilule contraceptive, le drone, le smartphone et l'énergie au sens large.
La fabrication de la boîte de conserve en acier recyclable à l'infini engendre des pollutions, mais elle a joué un rôle dans l'allongement de la vie humaine. La machine à laver a libéré la femme mais l'obsolescence programmée a suivi.
Plus loin, Elon Musk, le patron du constructeur automobile Tesla, s'entretient avec le critique de la société industrielle Ivan Illitch, dans un joyeux débat en ligne, modéré par René Descartes et Francis Bacon. Tous deux ont fort à faire pour départager l'inventeur de Apple, Steve Jobs, vantant "la qualité" face au père du taylorisme, Frederick Taylor.
Après les deux anciens symboles que sont la mine et l'usine, le parcours se termine sur un final grandiose et futuriste autour du nouvel emblème de l'industrie, la plateforme numérique.
Câbles sous-marins, satellites et centres de données : les trois infrastructures lourdes, et bien physiques, du continent numérique qui nous entoure, y sont "révélées" alors qu'elles sont d'ordinaire "invisibles" et "cachées à la vue", souligne Mme Fontaine.
Du coup, l'exposition dévoile aussi l'hybridation en cours "entre le monde réel et virtuel", et "entre l'industrie lourde et les services".
Le tailleur et le casque-micro d'une téléconseillère voisinent avec la combinaison et le casque d'un ouvrier-marin qui pose des câbles de télécommunication au fond de l'océan.
(Du 14 juin 2022 au 5 mars 2023 - Cité des sciences et de l'industrie )