Ces mesures anti-dumping avait été mises en place fin 2013 pour protéger l'industrie solaire européenne face aux produits chinois, faisant craindre le démarrage d'une guerre commerciale avec Pékin.
Censées durer deux ans, elles avaient été prolongées, puis en mars 2017 la Commission européenne avait décidé de les réduire progressivement sur dix-huit mois.
"Après avoir étudié les besoins à la fois des producteurs de panneaux solaires et de ceux qui les utilisent ou les importent, la Commission a décidé qu'il était dans le meilleur intérêt pour l'UE de faire disparaître ces mesures", a justifié l'institution lundi.
Cette décision est vivement critiquée par les fabricants de panneaux et de composants, réunis dans la fédération EU Prosun qui avait réclamé la prolongation de la politique européenne. Elle "met sérieusement à mal l'industrie manufacturière solaire de l'Union européenne", alors qu'en cinq ans plus de cent entreprises du secteur ont déjà mis la clé sous la porte, a réagi auprès de l'AFP Milan Nitzschke, son président.
Dernier exemple en date: le nouveau dépôt de bilan en mars dernier de l'allemand Solarworld, qui avait déjà été repris l'an dernier par des investisseurs du Qatar après un premier dépôt de bilan.
Mais pour les entreprises qui développent et installent des parcs photovoltaïques, "un nouvel âge du solaire" commence en Europe, selon James Watson, directeur général de SolarPower Europe, fédération qui les représente à Bruxelles.
"Jusqu'à 25%" plus chers
Alors que sept panneaux solaires sur dix vendus dans le monde viennent de Chine, selon EU Prosun, et faute d'alternative suffisante ailleurs, les installateurs européens n'avaient d'autres choix depuis 2013 que de payer leurs panneaux plus chers.
"Une des conséquences de ces mesures a été un décalage entre les coûts du marché européen et du marché mondial", qui a atteint "jusqu'à +25%" en France, explique à l'AFP Daniel Bour, président d'Enerplan, qui regroupe les entreprises françaises du solaire.
"Aujourd'hui sur le marché européen le prix du panneau est autour de 30/31 centimes d'euros, là où il est autour de 25 centimes d'euros sur le marché mondial", détaille-t-il.
Pour lui, les actions anti-dumping de Bruxelles n'ont "pas sauvé les entreprises allemandes et les Chinois se sont adaptés en installant des usines en Turquie ou en République Tchèque", ou en rachetant des acteurs européens, comme le leader mondial Trina Solar qui s'est emparé en 2016 du néerlandais Solland Power.
Les développeurs de projets s'attendent désormais à ce que les prix des panneaux baissent dans l'UE, et que cela accélère la croissance du solaire, qui a représenté l'an dernier environ 3% de la consommation électrique de l'UE. Même si selon Daniel Bour, il faudra aussi des politiques volontaristes, comme des appels d'offres plus importants et contenant des critères stricts sur les panneaux.
Bouffée d'air
A Pékin, on "salue" l'arrêt des mesures anti-dumping, qui illustre "un modèle de résolution réussie de frictions commerciales par la négociation", selon un commentaire du porte-parole du ministère chinois du Commerce mis en ligne samedi.
Ce revirement européen pourrait apporter une bouffée d'air bienvenue à l'industrie chinoise du solaire, minée par des problèmes de surcapacité et une saturation du marché. Cela a notamment causé le retentissant défaut de paiement de l'ex-numéro un mondial du secteur, Suntech.
Certes, le secteur profite des ambitions environnementales de la Chine, devenu depuis 2012 le premier investisseur mondial dans les énergies renouvelables, mais sans résoudre certains problèmes, comme le manque d'infrastructures de réseau pour raccorder les parcs solaires.
Le gouvernement a donc sabré récemment ses subventions aux projets locaux, entraînant une hausse des exportations des fabricants, pressés d'écouler leur production. Une stratégie qui a aussi pénalisé les fabricants américains, et poussé les Etats-Unis à imposer en début d'année des droits de douanes supplémentaires sur les panneaux chinois.