Pour autant, le niveau des cumuls annuels demeure encore très inférieur à ceux observés un an plus tôt. La perte d'activité enregistrée au cours des trois mois de mars-avril-mai a ramené les volumes annuels de granulats à leurs niveaux de mi-2016 (point bas historique), effaçant ainsi tout le chemin parcouru en trois ans ! Quant au BPE, les huit semaines de confinement ont gommé les 4/5 du redressement opéré depuis fin 2015. Le retour à une activité proche de la “normale” ne permettra pas de combler le gap à court terme, ce d'autant que la crise sanitaire, qui se double en crise économique, a chamboulé les déterminants de la demande de matériaux.
Trois mois qui ont effacé plus de trois ans
Depuis le mois de juin, le processus de "rattrapage" s'est amorcé des productions supérieures à celles de 2019. Ainsi, selon les résultats provisoires de l'enquête mensuelle d'août, l'activité granulats aurait progressé de +6,3% au regard de l'an passé et de +2,4% par rapport au mois de juillet (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois connus (juin-juillet-août), les volumes auraient rebondi de +63,7% par rapport au trimestre précédent, se positionnant à +4,3% au-dessus du niveau enregistré sur la même période de 2019. En dépit de ce rebond, les niveaux d'activité des granulats se situent, sur les huit premiers mois de l'année, à près de -11% en deçà de ceux de l'an passé.
Quant aux volumes produits sur l'année, ils atteignaient à peine 300 millions de tonnes à fin août (hors recyclage), soit un recul de -7,8% en glissement sur un an. Du côté du BPE, le redressement est plus marqué encore, en écho à un plongeon plus appuyé. En août, les livraisons ont grimpé de +2,5% par rapport à juillet et de +10,1% au regard de 2019 (données CVSCJO). Sur les trois mois d'été, l'activité a rebondi de +88,9% par rapport aux trois mois précédents et de +5,5% sur un an. Mais à fin août, en cumul sur 12 mois, la chute demeure importante et atteint -12,2% en glissement (à 36,1 Mm3) tandis qu'elle approche -16% en cumul sur les huit premiers mois de 2020.
L'indicateur matériaux, encore provisoire pour le mois d'août, décrit les mêmes évolutions avec des ampleurs comparables. Ainsi, après un deuxième trimestre qui s'est affaissé de près de -20% (données CJO), l'activité est revenue sur un recul de -12% sur un an pour les huit premiers mois de 2020, aucun des matériaux n'échappant à cette incurie conjoncturelle.
Rebond des enquêtes mais jusque quand ?
De leur côté, les enquêtes menées auprès des professionnels du bâtiment et des TP au cours de l'été traduisent aussi un net regain d'optimisme après le “trou noir” du printemps. En septembre 2020, l'opinion des chefs d'entreprise du bâtiment sur leur activité récente continue de s'améliorer et leurs carnets de commandes, après avoir retrouvé leur point haut en août, ont quelque peu diminué bien que restant très au-dessous de leur moyenne de longue période (8,5 mois dans le gros œuvre contre une moyenne de 6,2 mois). Ce constat suggère que la période de confinement n'a pas donné lieu à des annulations de commandes mais confirme hélas le net freinage des nouvelles, voire s'accélérer dans le segment du bâtiment neuf. Les mises en chantier de logements ont certes rebondi elles aussi ces derniers mois (le cumul depuis janvier ayant été ramené à -14,7% en juillet sur un an, contre -20% en mai) mais les permis, eux, peinent à se redresser (restant à -20% depuis mai). A fin juillet, et sur douze mois, on dénombrait ainsi 374 700 logements commencés pour 394 100 permis.
Le “gel” de l'instruction des dossiers d'autorisation pendant plus de 2 mois, conjugué à la frilosité des promoteurs pour lancer de nouveaux programmes (elle-même liée à la dégradation de la solvabilité et de la confiance des ménages confrontés au problème du chômage), pourraient peser sur la dynamique du redémarrage des permis dans le secteur résidentiel. Même si l'investissement en logement figure toujours comme une priorité pour les ménages, le durcissement des critères d'octroi de prêts immobiliers recommandé aux banques fin 2019 par le HCSF (Haut Conseil pour la Stabilité Financière) pourrait freiner l'accès au crédit habitat des publics les plus modestes. En ce sens, le prolongement et le ciblage des mesures comme le PTZ et le Pinel, annoncés par le gouvernement, constitueraient un facteur de soutien au retour des projets, dans un contexte où l'épargne des ménages, en forte hausse depuis mars, représente un potentiel d'investissement non négligeable. En effet, avec plus de 85 milliards d'euros mis de côté en cinq mois, les ménages affichent un taux d'épargne de 27% du revenu disponible brut au deuxième trimestre 2020 contre moins de 15% un an plus tôt.
Plus inquiétantes sont les perspectives dans le segment non résidentiel qui représente 47% des surfaces neuves construites. En effet, plutôt bien orienté avant le début de la crise sanitaire, le marché constructif des locaux d'activité s'est lui aussi sensiblement contracté mais les permis demeurent toujours sur une tendance très baissière à fin juillet (-29,4% sur un an). Tous les segments sont touchés et les effets du choc économico-sanitaire sur les entreprises (report des projets d'investissements, développement du télétravail…) et les collectivités locales (baisse des recettes fiscales…) obèrent l'espoir d'une reprise prochaine du segment non résidentiel.
Du côté des travaux publics, les entreprises ont également retrouvé un peu d'optimisme, avec la reprise estivale de l'activité qui, à fin juillet, est encore 15% plus faible que celle des sept mêmes mois de 2019. Mais l'inquiétude reste de mise compte tenu de la mauvaise orientation des flux des nouveaux appels d'offre (-16% sur un an à fin juillet). La fin du cycle électoral, les incertitudes liées au “verdissement” des municipalités, la frilosité des collectivités locales, les nouveaux objectifs en urbanisme (Zéro Artificialisation Nette)… sont autant de facteurs pesant sur les projets futurs d'investissement en BTP. Néanmoins, le Plan de Relance, et ses crédits fléchés vers les projets d'infrastructures, couplé au volontarisme des municipalités dont les finances demeurent très saines, pourrait laisser espérer une éclaircie en 2021.
Perspectives Matériaux 2020
Compte tenu des précédents éléments et face à ces changements contextuels qui écartent l'hypothèse d'une “normalisation” rapide de la situation, la demande de matériaux pourrait accuser une baisse de -8% pour les granulats et de -11% pour le BPE en 2020 (données brutes). S'il est encore très délicat de se prononcer sur les tendances de 2021, les premiers scénarios envisagés à ce jour tablent sur une hausse des volumes autour de +4 / +5% l'an prochain, laissant les niveaux de 2021 environ 5 à 6% en dessous de ceux de 2019.