"L'objectif du projet, (...) c'est de disposer d'indicateurs de loyers pour toutes les communes de France", a résumé jeudi, lors d'une présentation en ligne, l'ingénieur Basile Pfeiffer, l'un des créateurs de cette carte lancée par le ministère du Logement.
Concrètement, il s'agit d'une carte de France interactive et disponible depuis vendredi sur le site du ministère de la Transition écologique, dont dépend le Logement: https://www.ecologie.gouv.fr/carte-des-loyers.
L'internaute peut zoomer et cliquer sur la commune de son choix pour savoir quel loyer au mètre carré attendre pour un appartement ou une maison.
Derrière ce projet, discrètement annoncé en 2019 par le ministère, il y a l'idée de rendre le marché du logement plus transparent.
La carte doit "être utilisable par tous, à la fois les propriétaires, les locataires (ou) les professionnels de l'immobilier", a insisté M. Pfeiffer.
Le sujet des loyers est politiquement sensible car ressurgit régulièrement la question de leur encadrement dans un contexte de hausse continue des prix immobiliers, celle-ci persistant pour l'heure malgré la crise économique et sanitaire.
Les villes de Lille et Paris, notamment, ont instauré un plafonnement et plusieurs autres métropoles, dont Lyon et Bordeaux, viennent de demander au gouvernement à faire de même.
Mais la nouvelle carte n'apporte pas de grande nouveauté pour les grandes agglomérations. Des observatoires publics existent déjà et fournissent des données de référence sur les loyers.
L'enjeu, c'est plutôt d'établir quels sont les loyers dans le reste de la France, les villes moyennes et petites, ainsi que les zones rurales. Cela représente en gros la moitié des logements loués dans le pays.
Pour ce faire, les créateurs de la carte ont compilé une dizaine de millions d'annonces fournies par les grands sites actifs dans le secteur: Leboncoin, SeLoger et PAP. La start-up PriceHubble a aussi participé au projet.
Sans surprise, "les loyers sont élevés dans les zones touristiques" comme "les littoraux et les zones de montagnes", remarque la chercheuse Marie Breuillé.
Nombreux flous
Seulement, les données ne permettent pas de distinguer avec "certitude" les locations touristiques, remarque-t-elle, comme celles mises en ligne par la plateforme AirBnB.
C'est l'un des nombreux flous de cette carte, qui ne fait pas non plus la différence entre logements neufs et anciens. De plus, elle ne dresse qu'un tableau figé sur l'année 2018, alors que les prix ne cessent d'évoluer.
Ensuite, il y a "une marge d'imprécision puisque ce ne sont que des annonces et non des baux signés qui sont ici observées", remarque auprès de l'AFP l'agent immobilier Fabrice Abraham, ancien dirigeant du réseau Guy Hocquet, qui se félicite toutefois d'un "pas" vers plus de transparence.
Enfin, de nombreuses communes n'ont tout simplement pas de données: près d'un tiers ne disposent pas d'annonce pour un appartement. Dans ces cas-là, il a fallu extrapoler à partir de communes semblables.
Avec toutes ces imprécisions, cette carte peut-elle vraiment servir aux propriétaires et leurs futurs locataires ?
"Sur le principe, c'est bien d'avoir un dispositif qui donne une idée de la valeur du marché", reconnaît auprès de l'AFP David Rodriguez, juriste auprès de l'association de consommateurs CLCV.
Mais "ce n'est pas assez rigoureux" pour qu'un propriétaire ou un locataire fasse son choix, tranche-t-il, regrettant notamment que la carte fasse le choix de donner les loyers avec les charges comprises alors que celles-ci varient beaucoup selon la nature et l'état du logement.
Les créateurs du projet ne cachent pas qu'il n'en est qu'au stade expérimental. C'est désormais à l'agence publique d'information sur le logement, l'Anil, de voir quel usage en faire et comment l'affiner.
"On est encore assez loin de pouvoir utiliser ces données pour (...) la politique du logement", admet M. Pfeiffer, qui pense que la carte pourrait être actualisée d'ici à deux ans.