"La mise en ligne de ces données permettra d'améliorer considérablement la connaissance des prix sur le marché immobilier", a déclaré mercredi dans un communiqué Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics.
C'est l'aboutissement de plusieurs années d'ouverture progressive de cette base établie par l'administration fiscale: elle se présente comme une liste de transactions sur les cinq années écoulées, précisant localisation, nature et prix brut des biens vendus, sans prendre en compte les honoraires d'agence ou de notaires.
Lancé en 2013, sous des conditions alors restrictives - nombre limité de consultations, nécessité de donner un motif bien précis -, cet outil avait suscité la désapprobation d'agents immobiliers, dont leur première fédération, la Fnaim.
Les professionnels avaient agité la menace de voir le fisc instrumentaliser cet outil pour contrôler les particuliers, une crainte régulièrement démentie par Bercy et désormais dissipée par le fait qu'il n'est plus nécessaire de donner son numéro fiscal.
Surtout, ils avaient exprimé leur crainte de voir cette base, déconnectée du terrain, susciter des estimations peu fiables que les particuliers auraient opposées à leur propre expertise.
"Tout projet qui consiste à ouvrir largement l'information est souvent mal vu dans la profession", admet auprès de l'AFP l'expert immobilier Fabrice Abraham, qui dirigeait à l'époque le réseau d'agences Guy Hoquet.
"L'activité de l'agent consiste à vendre l'information qu'il est seul à détenir sur un bien à vendre ou détenir", rappelle-t-il.
Sur le marché immobilier, les données de marché, en premier lieu les prix, constituent un argument de vente ou de communication pour de multiples types d'acteurs. La base de l'Etat vient donc s'ajouter à des sources déjà diverses.
Les principaux réseaux d'agences publient des bilans forcément parcellaires, tandis que des sites internet spécialisés - un marché dominé par le groupe MeilleursAgents - proposent leurs propres estimations.
A cela s'ajoutent les chiffres de référence établis conjointement par l'Insee et les notaires chaque trimestre.
Difficile à interpréter
"Chacun défend ses propres données", reconnaît M. Abraham, qui voit personnellement une "bonne nouvelle" dans l'ouverture inconditionnelle de la base.
"Le véritable professionnel qui fait un travail d'expertise n'a rien à craindre", juge M. Abraham. "C'est une moins bonne nouvelle pour les sites d'estimations en ligne."
Selon lui, l'ouverture d'une base de données publiques met en danger le modèle économique de ce type d'acteurs, qui proposent des estimations en échange des coordonnées personnelles des particuliers.
Au contraire, "le fait que l'information soit rendue beaucoup plus disponible par le gouvernement, c'est une super nouvelle", assure à l'AFP Sébastien de Lafond, PDG de MeilleursAgents. "Les marchés les plus transparents sont les plus fluides et les plus efficients."
Ce site promet d'abord de réaliser une application facilitant l'accès aux données publiques, puis de les intégrer à ses propres chiffres réalisés à partir des remontées de quelque 11.000 agences, soit la moitié du marché français.
"C'est l'addition de plusieurs sources de données, qui permet d'avoir le meilleur résultat", estime M. Lafond, pour qui "le fichier en l'état est complètement ininterprétable par les particuliers".
"Si je veux savoir combien vaut ma maison aujourd'hui, (la base) ne fournit pas de réponse: la transaction qui a eu lieu il y a deux ans n'est pas celle qui va avoir lieu aujourd'hui", remarque-t-il.
L'administration fiscale a d'ailleurs pris soin de ne pas présenter mercredi la base nouvellement ouverte comme une panacée pour le particulier mais un instrument de plus pour divers acteurs.
"Ce que nous publions, ce n'est pas toutes les informations dont on dispose, (...) c'est un outil qui va permettre et permet déjà des études, des statistiques (et) de l'aide à la décision" pour les autorités publiques comme le privé, a souligné Philippe Romac, administrateur à la Direction générale des finances publiques (DGFIP).
Organisée tout mercredi, une journée de travail avec de multiples acteurs doit donner une première idée des applications pouvant être développée à partir de la base, susceptible d'intéresser des secteurs comme les courtiers en crédit. L'un d'eux, Cafpi, s'est ainsi dit "énormément" intéressé auprès de l'AFP.