Principal obstacle selon les courtiers: le taux d'usure. Révisé chaque trimestre par la Banque de France, il fixe le taux maximum auquel les banques ont le droit de prêter.
Actuellement, il s'élève à 2,57% pour les crédits immobiliers à 20 ans tous frais compris, dont l'assurance et l'éventuelle commission des courtiers.
Or, comme les banques empruntent elles-mêmes plus cher qu'en début d'année, elles peuvent être tentées d'évincer les courtiers pour préserver leurs marges.
"Les seules populations qui vont pouvoir emprunter, ça va être les moins de 45 ans qui sont en bonne santé et en même temps qui ont des revenus et des apports personnels assez élevés pour être intéressants pour les banques. Mais c'est un client sur deux, pas plus", craint Olivier Lendrevie, président du réseau de courtiers Cafpi.
"Quand, à cause d'un problème de paramétrage d'une réglementation, vous mettez hors-jeu un potentiel acquéreur sur deux, vous déséquilibrez le marché et vous créez les conditions d'une crise qui peut être très grave", prévient-il.
Les acquéreurs en meilleure position pourraient en effet mieux négocier leurs achats, faute de concurrents, et faire chuter les prix de l'immobilier.
Selon un sondage commandé par des associations de courtiers, 40% des professionnels interrogés estiment qu'au moins quatre dossiers sur dix ont été refusés depuis le début de l'année.
"Ça va arriver"
Des professionnels de l'immobilier et de la finance se montrent eux plus prudents.
"On n'a pas encore un ressenti aussi fort que les courtiers mais ça va arriver, automatiquement", témoigne auprès de l'AFP Peggy Montesinos, spécialiste de l'immobilier au Conseil supérieur du notariat.
"Aujourd'hui, même si les taux remontent, ils restent attractifs et très en dessous de l'inflation. Il n'en demeure pas moins que la conjugaison du taux d'usure et de la remontée des taux désolvabilise une partie des primo-accédants, notamment les plus modestes et les plus jeunes", juge auprès de l'AFP Véronique Bédague, directrice générale de Nexity.
Les banques "sont vigilantes aux indicateurs qui pourraient témoigner de tensions sur le crédit immobilier. Ces indicateurs se multiplient au fil des jours, comme le constatent les Français qui cherchent un crédit pour acheter leur logement", a fait savoir la Fédération bancaire française (FBF).
"La profession bancaire est donc sensible à ce que le dispositif de l'usure, cette mesure de protection des emprunteurs, ne devienne pas une mécanique d'exclusion des ménages pour financer leurs projets solvables", ajoute l'organisation professionnelle.
"Normalisation"
La Banque de France se démarque en revanche nettement du constat des courtiers.
L'institution rappelle que le taux d'usure est fait "pour protéger les ménages qui empruntent, et pas les intérêts des courtiers ou des prêteurs."
Un "éventuel effet d'éviction" des emprunteurs "n'existait pas significativement avant fin juin; nous regarderons précisément pour fin septembre", ajoute-t-elle.
Dans une publication du 2 août, la banque centrale note que la "production de crédits à l'habitat commence à se normaliser progressivement" tout en restant "au-delà des moyennes mensuelles de ces dernières années".
Elle enregistre un encours des crédits aux particuliers en croissance de 6,2% en juin sur un an, soutenu par la composante "habitat" (+6,6%). Les nouveaux prêts accordés représentaient 22,7 milliards d'euros en juin, en baisse par rapport à mai (26,8 milliards) mais "plus élevés que les moyennes mensuelles observées depuis 5 ans" qui varient de 16,9 à 22,8 milliards, souligne la banque centrale.
Par ailleurs, la remontée des taux d'intérêt des nouveaux crédits se poursuit "très progressivement": 1,26% en moyenne en mai, 1,35% en moyenne en juin et 1,44% attendu en juillet, selon la banque centrale. Il s'agit cependant du taux nominal, auquel viennent s'ajouter l'ensemble des frais liés à l'obtention d'un crédit, pour obtenir le taux effectif global du prêt (TAEG), plafonné par la loi.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a promis d'évoquer le sujet "dès les premiers jours de la rentrée" avec le gouverneur de la Banque de France.