Depuis 2017 et l'accession d'Emmanuel Macron, six ministres des Outre-mer se sont succédé pour gérer les départements et collectivités françaises d'outre-mer et leurs quelque 2,8 millions habitants.
Le prochain locataire de la rue Oudinot - l'actuelle, Marie Guévenoux, est en poste depuis février - pourrait être connu la semaine prochaine si le Premier ministre Michel Barnier, nommé le 5 septembre, tient le calendrier annoncé.
"Monsieur le Premier ministre par le passé, vous avez eu l'occasion de dire que +l'outre-mer, ce coeur battant de la France+ mérite une attention particulière", l'interpelle le député apparenté PS de Guadeloupe Elie Califer dans un courrier daté du 9 septembre. Il y alerte sur "l'urgence singulière" des territoires ultramarins insulaires, souvent isolés et travaillés par une remise en question de la tutelle de la France.
Ce "coeur battant", qui abrite "80% de la biodiversité" et "fait de notre pays la deuxième puissance maritime mondiale", "mérite notre attention" d'autant plus que les difficultés ultramarines "ne cessent de s'amplifier", de la relance économique à "l'insuffisance des infrastructures sanitaires" qui sont autant de sujets "sous-estimés ces dernières années", selon M. Califer.
En Martinique, la vie chère n'en finit pas d'attiser la colère. Quinze ans après une grève générale sur ce thème, qui avait paralysé les Antilles, les prix alimentaires restent 40% plus élevés qu'en France métropolitaine, exaspérant ses habitants qui réclament un "alignement" avec l'Hexagone.
Dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie est en proie à des violences d'une ampleur inédite depuis la quasi-guerre civile des années 1980, laissant le tissu économique ravagé. Dans l'océan Indien, tensions lors d'opérations contre l'immigration illégale, habitat insalubre et pénuries d'eau émaillent le quotidien de Mayotte.
Or "l'inquiétude" est "grandissante quant à la place qu'occupent nos territoires dans les priorités de l'État, particulièrement dans le cadre de la politique d'austérité et face à l'inflation galopante qui exacerbe déjà une situation économique et sociale tendue", soulignent dans un courrier commun à M. Barnier Davy Rimane (groupe GDR, communistes et ultramarins) et Christian Baptiste (apparenté socialiste), députés respectivement de Guyane et Guadeloupe.
"Le mécontentement est palpable, et les attentes à l'égard de votre gouvernement sont immenses", écrivent-ils.
"Acculturation"
Les espérances sont d'autant plus grandes que "tout est en suspens" depuis la séquence électorale de juin, la dissolution et les atermoiements qui ont suivi, souligne Lætitia Malet, déléguée générale adjointe à l'Association des communes et collectivités d'outre-mer (ACCDOM).
"Tout est à l'arrêt", et les annulations de réunions se comptent "à la pelle", accentuant les retards déjà pris selon elle par la valse des ministres ces précédents mois, déplore-t-elle.
A titre d'exemple, elle cite l'octroi de mer et la fluctuation des versions de la réforme promise de ce droit de douane sur les produits importés.
"La grande misère de nos territoires est le manque de connaissance par les gens qui décident pour eux", sur fond de nombreux "a priori" et d'"acculturation" sur les spécificités ultramarines, déplore par ailleurs Mme Malet.
Face "aux manques", le gouvernement Barnier devrait faire le choix d'un retour à un ministre de plein droit, supprimé à l'été 2022 sous le gouvernement Borne II, défend M. Califer. Rompant avec une décennie de pratique gouvernementale, le ministère dédié à l'Outre-mer avait été alors été placé sous l'égide du ministre de l'Intérieur.
"Outre le caractère symbolique", un ministère de plein droit "faciliterait indubitablement les échanges et avancées politiques entre, d'une part, le local, et d'autre part le national", estime le député.
"La situation budgétaire nationale ne doit pas conduire à délaisser encore davantage les outre-mer, mais au contraire à chercher à tirer les conséquences des expériences précédentes", concluent pour leur part les députés Rimane et Baptiste.