"Nous sommes méfiants sur les véritables intentions du gouvernement dont, parfois, la politique est quand même un subtil mélange de libéralisme (...) et de centralisme", résumait mardi Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim, première organisation des professionnels de l'immobilier, lors d'un discours en présence du ministre du Logement, Julien Denormandie.
Cette année, la politique du logement a été marquée par une loi dédiée, dite Elan et promulguée samedi. D'autres pans de cette politique sont concernés par le budget 2019, actuellement discuté par les parlementaires.
Deux lignes ont dominé la politique de l'exécutif: une réforme du logement social, via notamment d'importantes économies budgétaires, et la simplification de multiples règles et normes dans le but affiché de "construire plus, mieux et moins cher".
Dans ce contexte, au cours de l'année, plusieurs professionnels ont jugé auprès de l'AFP que le parc déjà existant de logements privés et, par extension les services immobiliers - agents chargés de vendre ou louer, syndics administrant les immeubles en copropriété, régies gérant les biens loués - restaient à l'arrière-plan.
A ce titre, le début du quinquennat d'Emmanuel Macron contraste avec celui de son prédécesseur, François Hollande. La ministre du Logement d'alors, Cécile Duflot, avait centré sa loi "Alur" sur le fonctionnement de la location et des copropriétés, suscitant l'opposition ouverte de la majeure partie de la profession.
Cette fois, "il y avait du positif comme écrire dans la loi que le terme d'agent immobilier ne peut être utilisé qu'avec la carte professionnelle", admet à l'AFP Olivier Alonso, président du réseau d'agences Nestenn, tout en exprimant son scepticisme sur l'ensemble de l'actuelle politique du logement.
Il salue aussi la création d'un dispositif qui facilite la location par une personne âgée à un jeune, ainsi que la fin de l'obligation d'un engagement manuscrit par le garant d'un locataire, mais se montre peu enthousiaste quant au bail mobilité, mesure mise en avant par l'exécutif.
"C'est un peu un gadget: ça ne fera pas de bien, pas de mal... Ca ne fera rien", juge M. Alonso, estimant que les bailleurs ne seront pas tentés par ce dispositif qui vise les locataires étudiants et jeunes actifs en allégeant les contraintes du propriétaire à condition qu'il n'exige aucun dépôt de garantie.
Surtout, la loi sur le logement ne lève pas toutes les incertitudes. Les agents immobiliers redoutent de voir le budget 2019 limiter leurs commissions sur certaines opérations - celles impliquant l'avantage fiscal Pinel, une aide à l'achat dans le neuf -, M. Torrollion y voyant "une première introduction dans le plafonnement (des) honoraires".
Le statu quo demeure sur l'encadrement des loyers, mesure emblématique de l'opposition des professionnels à la loi Alur: contrairement à celle-ci, le gouvernement laisse le champ libre aux principales municipalités françaises afin d'en tirer un bilan d'ici quelques années.
C'est surtout pour les syndics que les doutes planent, alors que le gouvernement prévoit de réformer le code de la copropriété d'ici deux ans.
"On a très peu traité de problèmes de fond sur les syndics", estime auprès de l'AFP Frédéric Verdavaine, responsable des services immobiliers chez le géant Nexity. "Je suis frustré, assez déçu: on a tout mélangé et on n'a rien résolu."
La loi prévoit pour l'heure quelques mesures pour faciliter le vote à distance des copropriétaires, notamment sur les travaux, sujet souvent épineux lors des assemblées générales en raison des frais qu'ils imposent aux bailleurs.
Le texte permet notamment au copropriétaire de voter par correspondance avant même la tenue de l'assemblée générale. Si les résolutions présentées évoluent "de manière substantielle", il sera alors compté comme défavorable.
"On va vers un niveau de contentieux assez extraordinaire", regrettait début novembre Christophe Tanay, président de la deuxième organisation du secteur, l'Unis, particulièrement présente chez les syndics.
"L'exécutif ne cesse de révéler qu'il mésestime l'immobilier", estimait-il auparavant dans une tribune fin septembre. "Cécile Duflot (...) ne cachait pas ses sentiments. Le pire est de ne pas savoir qui on a en face et c'est ce qui se passe depuis l'élection d'Emmanuel Macron."