- Le nombre de pertes d’emploi des dirigeants au S1 2024 se rapproche des niveaux records atteints en France il y a une dizaine d’années.
- Les chefs d’entreprise à la tête de PME sont fragilisés par la conjoncture et ces dernières ne sont pas assez solides financièrement pour faire face aux aléas.
- Les entrepreneurs de la construction représentent plus d’un quart des pertes d’emploi. Les difficultés de ce secteur ont des répercussions sur l’ensemble du territoire.
Le nombre d’entrepreneurs en situation de «chômage» en augmentation
Depuis janvier 2024, ils sont près de 30.000 à avoir cessé leur activité en France.
Pour Anthony Streicher, Président de l’association GSC : « Pour la personne qui sera désignée premier ministre dans quelques jours, la lutte contre la perte d’emploi des dirigeants d’entreprise devra être un sujet prioritaire ! Plus de 180 entrepreneurs perdent leur emploi chaque jour depuis le début de l’année. Les mauvaises nouvelles de ce premier semestre 2024 interpellent sur l’inaction qui conduit à cette situation car aucun acteur, pouvoirs publics compris, ne semble prendre la mesure de ce qui se joue pour les dirigeants et notre économie. Nos créateurs d’emplois et de richesses sont abandonnés dès lors que leur navire chavire. Cessons de détourner le regard et protégeons nos entrepreneurs. »
L'âge médian des entrepreneurs impactés s’établit à 45,8 ans. Les chefs d’entreprise entre 40 et 50 ans sont 8.146 à avoir perdu leur emploi. Près d’un tiers des dirigeants concernés ont dépassé l’âge de 51 ans. Les jeunes entrepreneurs de moins de 26 ans sont les plus épargnés ce semestre, ils sont 704 à s’être retrouvés sans activité.
Des tensions qui augmentent en fonction de la taille de l’entreprise
Les gérants de petites structures (moins de 5 salariés) demeurent les plus touchés ; ils représentent près de 9 pertes d’emploi sur 10. Les chiffres montrent également une très forte augmentation pour les dirigeants à la tête d’entreprises de 6 à 9 salariés (+ 40,2% ; 1.661).
Les PME entre 10 et 19 salariés enregistrent 1.378 pertes d’activité soit une augmentation de 31,1%. Ces entreprises ont des structures financières insuffisantes qui les fragilisent : masse salariale lourde, difficultés à rivaliser sur les appels d’offres, à financer leur développement ou encore à rembourser la dette Covid qui pèse sur la trésorerie.
Les gérants de SAS (13.234 entrepreneurs touchés) forment la majorité des pertes d’emploi (45,8%), en hausse de 28,7% par rapport au S1 2023. Les chefs d’entreprise à la tête de SARL représentent également une grande partie des pertes d’activité (12.273 ; + 11,1%). Les artisans-commerçants, fortement impactés par l'inflation en 2023, sont 2.668 à s’être retrouvés au « chômage » (+ 22,6%) au S1 2024.
Les entrepreneurs à la tête de structures dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500.000 euros représentent près des trois-quarts (76,5%) des femmes et hommes touchés (12.715), confirmant la fragilité des petites structures.
Les activités de la construction en très grandes difficultés
La crise de l’immobilier affecte l’ensemble des professionnels de la construction : 7.669 chefs d’entreprise du secteur ont perdu leur emploi (+ 34,2%). Les entrepreneurs de travaux en maçonnerie générale et gros œuvre représentent plus d’un quart de ces pertes (1.615 chefs d’entreprise). Parmi les autres activités les plus fragilisées : les agences immobilières (+ 66,4%), la construction de maisons individuelles (+ 40,7%) et les travaux de peinture et de vitrerie (+ 35,1%).
Malgré des signaux encourageants sur plusieurs activités du BtoC, le secteur du commerce est toujours en difficulté avec 6.456 femmes et hommes qui se sont retrouvés en situation de « chômage » (+ 15%).
Les chefs d’entreprise de l’hébergement, restauration, débit de boisson sont largement impactés avec 3.734 pertes d’emploi. Plus d’un tiers d’entre eux avaient une activité dans la restauration rapide. Néanmoins, le secteur présente une augmentation (+ 7,6%) bien en dessous de la moyenne nationale (+19,3%).
La situation se dégrade nettement pour le secteur du transport et de la logistique qui enregistre une hausse de 30,5% des pertes d’activité au S1 2024 (1296).
3.716 chefs d’entreprise exerçant dans le service aux entreprises se sont retrouvés en situation de « chômage » soit une augmentation de 18,2%.
Pour Anthony Streicher : « La crise immobilière a dangereusement affecté l'ensemble de la filière construction, tandis que le transport de marchandises montre des signes de dégradation. Aucun territoire n'échappe à cette tendance et les acteurs de petite et moyenne taille restent vulnérables, sans espoir d'amélioration significative d'ici la fin de l'année. »
Une augmentation des pertes d’emploi sur l’ensemble du territoire
L’Île-de-France, territoire moteur pour l’économie du pays, représente à lui seul près d’un quart des pertes d’emploi au 1er semestre 2024. 7.215 chefs d’entreprise se sont retrouvés en situation de « chômage », soit une hausse de près de 32% comparée à la même période de l’année précédente.
La région Auvergne-Rhône-Alpes arrive en seconde place avec 3.454 dirigeants impactés, contre 2.902 au S1 2023 (+ 19%).
La Normandie subit une augmentation supérieure à la moyenne nationale (+ 24,7%) avec 1.155 dirigeants sans emploi ce semestre.
Dans la région Grand Est, ils sont 2.034 dirigeants à avoir perdu leur emploi (+ 18,3%). 2.887 femmes et hommes se sont retrouvés sans activité au S1 2024 en région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur, en hausse de 16,7%.
La Nouvelle-Aquitaine et les Hauts-de-France sont les territoires enregistrant la plus faible évolution des chefs d’entreprise impactés avec respectivement + 9,5% et + 6,6%.
Pour Thierry Millon, Directeur des études Altares : « Le dynamisme entrepreneurial est exceptionnel depuis 20 ans. Alors que le seuil des 100.000 nouvelles sociétés commerciales était franchi en 2003, celui des 300.000 est déjà tout proche. Si nous devons nous féliciter de cette envie d’entreprendre, notons toutefois qu’environ quatre entreprises sur dix ne souffleront pas leur cinquième bougie. Sur ce premier semestre 2024, près de 30.000 dirigeants auront perdu leur emploi après la liquidation judiciaire de leur entreprise, des femmes et des hommes épuisés par des mois de bataille financière et judiciaire pour tenter de sauver l’activité et l’emploi. Un traumatisme souvent, en particulier pour le tiers de ces dirigeants âgés de plus de 50 ans qui envisageront plus difficilement leur rebond. »
Méthodologie
Les données sont issues de l’analyse des entreprises, hors sociétés civiles et associations, placées directement, par conversion ou par résolution du plan en liquidation judiciaire par le Tribunal de Commerce ou Judiciaire. Ne sont pas intégrées les procédures de fermeture ou dissolution à l’amiable de même que les révocations des mandataires sociaux.
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