Ces dernières semaines, la nouvelle revient en boucle dans la presse britannique: le gouvernement s'apprête à amputer le projet de ligne à grande vitesse HS2 de son tronçon entre Birmingham et Manchester, ville hôte de la grand-messe annuelle du parti conservateur.
Mardi encore, lors de ce congrès qui laisse apparaître divisions et ambitions personnelles au sein du parti, le chef du gouvernement conservateur a été pressé de questions sur ce chantier au coût gigantesque, symbole des promesses de rééquilibrage territorial au profit des régions défavorisées du nord de l'Angleterre.
Face aux dernières informations dans la presse selon lesquelles il prévoit de réaffecter "chaque centime" ainsi économisé vers les infrastructures régionales, Rishi Sunak a une fois encore botté en touche mardi face à ce qu'il qualifie de "spéculations".
Dans une interview à Sky News, il a expliqué qu'il ne prendrait pas de "décision prématurée", "pas sur quelque chose de si important qui coûte des dizaines de milliards de livres au pays".
Le chef du gouvernement, qui se place depuis peu en champion de la défense des automobilistes, a aussi insisté au micro de Times Radio sur les coûts "énormes" du projet, qui "sont montés bien au-delà de ce qu'on pensait au début".
La fin du suspense est espérée lors de son discours en clôture du congrès mercredi à la mi-journée.
Affront au Nord
HS2, deuxième ligne à grande vitesse du pays, après celle qui relie la capitale au tunnel sous la Manche, est destinée à rapprocher les grandes villes du nord de l'Angleterre de Londres.
Estimé à 37,5 milliards de livres en 2013, le projet a vu son coût s'envoler depuis à une centaine de milliards (115 milliards d'euros), alors que les finances publiques sont mises à rude épreuve par la forte inflation.
A l'approche d'élections attendues l'année prochaine où l'opposition travailliste est donnée largement gagnante par les sondages, malgré un récent resserrement de l'écart, le sujet est éminemment délicat pour Rishi Sunak.
Tout recul est perçu comme une gifle aux régions du nord, bastions historiquement travaillistes dont la conquête fin 2019 sous Boris Johnson avait été clé pour la victoire historique des conservateurs.
Rishi Sunak est confronté à une forte pression dans ses rangs, qu'elle vienne de ses prédécesseurs à Downing Street David Cameron, Theresa May, Boris Johnson - ou d'élus locaux comme le maire des West Midlands, région de Birmingham, Andy Street.
En cas d'abandon, "vous tournerez le dos à une opportunité de rééquilibrage territorial par le haut, une opportunité qui ne se présente qu'une fois par génération", a-t-il dénoncé.
Un renoncement au HS2 nuirait "à la réputation internationale" du Royaume-Uni, en tant que lieu d'investissement, a-t-il ajouté.
"Personne n'est gagnant"
Le maire travailliste de Manchester Andy Burnham estime quant à lui qu'"on trahit le Nord, et les gens ici ne l'oublieront pas".
Au congrès, Daniel Soan, un membre du parti conservateur âgé de 35 ans de Northampton (centre) estime que le sentiment de la base du parti est que le projet est "trop cher pour ce que c'est".
"Il a commencé par le mauvais bout", c'est-à-dire à Londres, pense-t-il, "il aurait dû commencer à Manchester".
Quant à l'impact électoral du recul qui se profile, il estime que "le mur rouge", expression qui désigne les bastions traditionnellement travaillistes du nord, "a déjà pris sa décision de toute façon".
"Mais je ne pense pas que ça nous aide" dans cette région, "et je ne pense pas que ça nous aide dans le Sud non plus", observe-t-il, "personne n'est gagnant".
Ian Proud, un ancien élu local de l'ouest de Londres, souligne les "facteurs extérieurs" qui ont affecté le projet, comme la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine.
"Il y a au moins 12 mois avant les prochaines élections" législatives, poursuit-il, "beaucoup de choses peuvent se passer".