"Tous ceux qui ont des tâches télétravaillables, et il y en a beaucoup, doivent télétravailler cinq jours sur cinq", a encore rappelé mardi la ministre du Travail Elisabeth Borne sur Europe 1.
Une injonction que Sofia*, salariée d'un cabinet de conseil en région parisienne, aimerait voir son employeur respecter.
Dans un mail adressé aux quelque 500 salariés de la société, la direction affirme souhaiter "le maintien de nos activités en mode +normal+", soit un jour télétravaillé par semaine maximum.
"C'est très choquant, on a l'impression qu'on ne vit pas dans le même pays. C'est juste une stratégie de contrôle des gens", déplore Sofia, qui souhaiterait éviter de prendre les transports pour se rendre en banlieue parisienne. "Pour travailler on a besoin d'un ordinateur et d'une connexion internet", assure-t-elle.
Même constat pour Bertrand*, qui travaille au Crédit Agricole. Sa direction lui a adressé un message lui annonçant un maximum de deux jours de télétravail par semaine.
"Nos postes étaient 100% en télétravail en mars", rappelle Bertrand, qui a du mal à comprendre.
Comme lui, des salariés d'offices HLM, de sociétés de dépannage informatique en ligne ou de location d'engins de BTP ont raconté à l'AFP avoir travaillé uniquement depuis leur domicile en mars-avril dernier, ce qui ne leur est aujourd'hui plus permis.
Tous avancent le même argument: le refus du télétravail est lié à "une peur de perte de contrôle du salarié, avec une baisse de productivité".
Chez LCL, filiale du Crédit Agricole, FO s'est ému d'un "0% télétravail" imposé à tout le réseau commercial. La branche banques du syndicat a dénoncé dans un communiqué une situation propre à ce secteur. "La profession, à de rares exceptions, exclut toujours de recourir massivement au travail à distance en particulier pour les salariés des réseaux et en contact direct du public", dénonce FO.
Un protocole flou
Alors que syndicats et patronat ont entamé des discussions mardi sur le télétravail, la négociatrice de la CFDT Catherine Pinchaut a évoqué "de fortes remontées" venant d'entreprises qui refusent le télétravail.
Le nouveau protocole national dans les entreprises, mis en ligne jeudi par le ministère du Travail, "laisse libre court à de nombreuses interprétations", a-t-elle dénoncé. "C'est à l'appréciation pure de l'employeur, qui décide que le poste de M. ou Mme Dupont est télétravaillable ou pas", sans discussion avec le salarié, a déploré Mme Pinchaut.
"On voit bien qu'il y a une boulette dans la rédaction du protocole", a-t-elle regretté.
De son côté, Mme Borne a relevé des "signaux positifs" comme la fréquentation en baisse des transports en commun en Ile-de-France lundi (entre 25 et 40% en moins par rapport à la normale).
"Je vais continuer toute cette semaine à mobiliser les entreprises, j'ai plusieurs visioconférences avec des directeurs de ressources humaines", a-t-elle assuré, affirmant qu'une enquête allait être diligentée en fin de semaine pour "mesurer la façon" dont le télétravail a été mis en oeuvre.
En attendant, Thibault*, qui travaille pour une entreprise de dépannage informatique à distance dans la région de Nantes, note une différence de taille par rapport à la situation du printemps: "contrairement au premier confinement, notre client n'a pas arrêté sa production donc il y a autant de travail, voire plus, avec plein de problèmes techniques", explique-t-il, rendant le travail à distance plus compliqué cette fois-ci.
Chez Dassault Aviation, certains salariés se sont plaints de ne pouvoir travailler à 100% depuis chez eux, pour "des raisons de performance économique" selon la CFDT. Mais comme le rappelle Bernard Mathieu, délégué syndical CFE-CGC, "le président de la République a dit que les usines devaient tourner" donc "le 100% télétravail est impossible", et pas seulement pour les ouvriers.