Le préfet de la région Ile-de-France Michel Cadot a officiellement annoncé mardi qu'il avait signé le permis de construire, avec un "objectif de livraison des travaux nécessaires pour les jeux Olympiques et Paralympiques 2024", selon un communiqué.
"Le lancement des travaux se fera sans attendre selon les principes d'un chantier exemplaire et en respectant les conditions sanitaires imposées par le Covid", a réagi par communiqué la SA Gare du Nord 2024, "confiante quant au respect du calendrier".
Mais l'annonce n'a pas soulevé un grand enthousiasme du côté de la mairie de Paris. "L'Etat va à l'encontre des besoins des habitants comme des usagers des transports et méprise le choix des électeurs franciliens", a par exemple tonné sur Twitter la maire du 10e arrondissement, Alexandra Cordebard, annonçant que la "mobilisation" de l'équipe municipale "(continuerait) contre ce projet démesuré".
"Avec le projet de rénovation actuel de la Gare du Nord, le gouvernement vient de s'inventer un Notre-Dame-des-Landes en plein Paris. Je lui souhaite beaucoup de courage sur le plan politique et juridique", a aussi écrit sur le même réseau social Emmanuel Grégoire, dans un tweet retweeté par la maire Anne Hidalgo.
"Contraire aux exigences écologiques"
La Ville de Paris, qui doit détailler "les points qui constituent des lignes rouges dans le projet" lors d'une conférence de presse mercredi, avait soutenu dans un premier temps cette rénovation.
Elle avait ensuite jugé trop commercial le projet, porté par une coentreprise créée par SNCF Gares & Connexions et Ceetrus, la foncière d'Auchan.
Il prévoit notamment la construction de commerces, bureaux et équipements culturels au sein de la première gare d'Europe, vieille de 155 ans et fréquentée par 700.000 voyageurs chaque jour --un chiffre appelé à augmenter.
Le projet, évalué à 600 millions d'euros, a aussi été fustigé par une vingtaine d'architectes de renom, dont Jean Nouvel et Roland Castro, qui ont jugé le projet initial "inacceptable" et "pharaonique", dans une tribune publiée dans Le Monde début septembre, demandant qu'il soit "repensé de fond en comble".
Dans son communiqué, le préfet d'Ile-de-France Michel Cadot a plaidé que "SNCF Gares & Connexions et la société +Gare du Nord 2024+ ont pris 13 engagements visant à assurer une bonne intégration de la gare rénovée dans le quartier", via notamment "la création d'un important parking à vélos", le "lancement d'études pour améliorer l'accès à la gare par le nord" ou encore "la prise en compte du réaménagement du parking souterrain" pour "libérer le parvis de la gare des déposes-minute".
En outre, est prévu un "renforcement de la qualité environnementale du projet en augmentant les surfaces végétalisées et par le réemploi des eaux de pluie", plaide encore Michel Cadot.
Mais dans son communiqué, la ville de Paris a fustigé un projet "contraire aux exigences écologiques et urbaines portées par l'exécutif parisien nouvellement élu", et appelé à poursuivre des discussions "afin de reconsidérer ce projet en profondeur pour le rendre viable et acceptable".
De son côté Serge Rémy, de l'association "Retrouvons le Nord de la Gare du Nord" qui mobilise contre le projet de SNCF et Ceetrus, a fait le parallèle avec les ambitions vertes du nouveau gouvernement: "Alors que la convention Climat défend un nouveau modèle économique plus sobre et moins commercial, l'Etat délivre un permis de construire qui donne les clés de la gare du Nord à Auchan pendant 46 ans pour installer une énorme zone de boutiques".
Mairie de Paris et opposants lâchent leurs coups contre le gouvernement
Mots vigoureux, menaces de "recours" en justice voire d'occupation: la mairie de Paris et les opposants au projet de transformation de la Gare du Nord, ont tonné mercredi contre la décision de l'Etat de délivrer le permis de construire, un "déni de démocratie" selon eux.
Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, avait tweeté mardi que le gouvernement venait "de s'inventer un Notre-Dame-des-Landes en plein Paris" en délivrant le permis de construire au volet commercial de la transformation de la Gare du Nord. Mercredi, il a enfoncé le clou en conférence de presse, aux côtés de la maire du Xe arrondissement, Alexandra Cordebard.
Le projet, évalué à 600 millions d'euros? "Totalement surdimensionné" et sur "un modèle usé", qui "représente une menace sur le tissu local" environnant. Délivrer le permis de construire un jour de remaniement? Un "déni de démocratie" parce que les Parisiens souhaitent "un projet mieux inséré dans son environnement". L'échéance prévue, à savoir les Jeux olympiques 2024? "Pas crédible et pas sérieux", tance encore Emmanuel Grégoire.
La veille, la coentreprise créée par SNCF Gares & Connexions et Ceetrus, la foncière d'Auchan, avait pourtant promis que "le lancement des travaux se fera sans attendre" et s'était dite "confiante quant au respect du calendrier", le préfet de la région Ile-de-France Michel Cadot évoquant de son côté un "objectif de livraison des travaux nécessaires pour les jeux Olympiques et Paralympiques 2024".
"Je mets au défi Ceetrus de me prouver (que les délais sont crédibles, NDLR) en produisant les plannings de chantier, auxquels nous n'avons pas accès", a répondu Emmanuel Grégoire, ménageant le préfet d'Ile-de-France - qu'il "pense aussi embarrassé que nous par cette décision" - pour mieux attaquer le gouvernement, accusé de "passé en force". "Un dossier de cette nature n'est pas décidé dans un petit bureau administratif secondaire", a-t-il aussi glissé.
Occupation "possible"
Sur le fond, et si elle ne conteste pas la nécessité de rénover la première gare d'Europe, vieille de 155 ans et fréquentée par plus de 700.000 voyageurs chaque jour, la municipalité évoque plusieurs "lignes rouges", outre le calendrier.
Elle demande d'abord une "dédensification" du projet, proposant de diviser la surface commerciale par quatre, de 20.000 à 5.000 m2; une "ouverture sur l'ensemble du quartier", en abandonnant "la séparation des flux d'entrée et de sortie" que la mairie juge "inadaptée pour une gare"; "l'amélioration de l'intermodalité avec les transports en commun, les vélos et les taxis".
Mardi, Michel Cadot avait plaidé que les porteurs du projet avaient "pris 13 engagements visant à assurer une bonne intégration de la gare rénovée dans le quartier", via notamment "la création d'un important parking à vélos", ou "la prise en compte du réaménagement du parking souterrain".
Insuffisant, estime Emmanuel Grégoire, qui brandit la menace de "recours judiciaires" pour faire pièce à ce projet.
Les associations d'usagers et d'habitants, présentes mercredi dans la salle de la Mairie de Paris où se tenait la conférence de presse, sont sur la même longueur d'ondes.
Sont-elles prêtes à aller jusqu'à une occupation de la gare? "Cela fait partie des choses possibles", estiment Chantal Henon et Jean-Pierre Leroux, du Comité des habitants Gare du Nord - La Chapelle. "Sur le jardin Villemin, quai de Valmy (Xe arrondissement, NDLR), on a occupé un chantier pendant six mois pour l'empêcher de fonctionner et on a gagné", explique le second, membre de la section PCF du Xe arrondissement.
"Il y a une demande de sens sur les projets, et un projet commercial en pleine gare du Nord, ça n'a pas de sens. La mobilisation est déjà forte dans nos associations, elle va grossir", abonde Christine Nedelec, présidente de France Nature Environnement Paris. "Les Parisiens, les habitants, les citoyens sont de plus en plus inquiets concernant les réponses gouvernementales ou parfois municipales à des enjeux sociétaux et écologiques graves".