"Notre politique du logement ne correspond pas suffisamment aux besoins de nos concitoyens" car "la demande n'a cessé d'augmenter depuis plusieurs décennies", a affirmé le ministre à la Cohésion des territoires Jacques Mézard.
Ainsi le logement est-il "encore trop souvent facteur de grandes inégalités avec des catégories de nos concitoyens qui sont particulièrement touchées, les jeunes, les ouvriers", a-t-il poursuivi.
Pour favoriser la "mobilité", la pénurie de logements en zone tendue étant un frein à l'emploi, le gouvernement entend "libérer la construction, lever les freins, libérer le foncier et raccourcir les procédures".
Afin de favoriser la construction de logements dans les zones où les besoins sont forts, de forts abattements fiscaux seront consentis sur les plus-values immobilières, pour la vente de terrains en zones tendues, pendant trois ans.
"Cet abattement sera de 100% pour la vente de terrains permettant de construire du logement social, de 85% pour du logement intermédiaire, et de 70% pour du logement libre", a précisé le secrétaire d'Etat Julien Denormandie, lors d'une conférence de presse.
Quant aux entreprises propriétaires de foncier, elles pourront bénéficier du prolongement du taux réduit d'impôt sur les sociétés de 19%, "pour toute société qui cède ses locaux pour en faire du logement", a-t-il poursuivi.
En outre deux aides publiques, le prêt à taux zéro (PTZ) octroyé aux ménages accédant à la propriété et l'avantage fiscal "Pinel", consenti aux particuliers achetant un logement pour le louer, seront "prolongées pendant quatre ans", mais distribuées de manière plus ciblée.
Elles seront concédées de façon à "construire plus vite en zone tendue et à soutenir la revitalisation dans les zones détendues", a indiqué M. Denormandie.
Ainsi le dispositif Pinel sera "recentré sur les zones A, Abis et B1 sur 4 ans", tandis que le PTZ "ciblera les zones A, Abis et B1" sur la même période, avec une "souplesse de transition sur la zone B2 durant l'année 2018", a-t-il précisé.
Les principales annonces
Fiscalité réduite sur le foncier
Pour favoriser la construction de logements là où les besoins sont importants, un abattement fiscal sera consenti sur les plus-values immobilières, pour la vente de terrains en zones tendues, pendant trois ans.
Il sera de 100% pour la vente de terrains permettant de construire du logement social, de 85% pour du logement intermédiaire, et de 70% pour du logement libre. Les entreprises propriétaires de foncier, pourront bénéficier du prolongement du taux réduit d'impôt sur les sociétés de 19%, lorsqu'elles cèderont un terrain où seront construits des logements.
Normes de construction allégées
Afin de "stopper l'inflation normative", "toutes les règles de construction seront rédigées sous forme d'objectifs de résultats". Centaines normes seront "simplifiées", comme "les normes sismiques lorsqu'elles sont trop sévères dans des zones à faible risque", dit le gouvernement à titre d'exemple. Le but est d'alléger le Code de la construction et de "stimuler l'innovation". Quant aux normes environnementales et énergétiques déjà votées, notamment dans le cadre de la Loi de transition énergétique qui s'appliquera "en 2020", elles seront appliquées.
Economies sur la gestion des APL...
Le calcul du montant des APL que toucheront les locataires sera basé sur les "revenus actuels et non ceux d'il y a deux ans", "dès 2019" et grâce à la "déclaration sociale nominative", un fichier de transmission unique et automatique de données sociales. Le gouvernement en attend une économie de 100 millions d'euros par mois, soit plus d'un milliard par an.
...et sur les APL dans le logement social
La baisse de 5 euros mensuels des aides personnelles au logement (APL) à compter du 1er octobre, pour tous les allocataires, sera complétée par une baisse des APL de plus grande ampleur dans le seul secteur social, qui doit dégager "1,4 milliard d'euros d'économies". "Indolore" pour les locataires du parc HLM, dit le gouvernement, elle sera compensée par une baisse des loyers d'un montant équivalent, imposée aux bailleurs sociaux, lesquels ont vivement protesté. Endettés à hauteur de 140 milliards d'euros, les organismes HLM bénéficieront en contrepartie, de meilleures conditions de financement, dit le gouvernement. Ces organismes craignent un important manque à gagner.
PTZ et Pinel prolongés mais plus ciblés
Deux aides publiques, le prêt à taux zéro (PTZ) octroyé aux ménages accédant à la propriété et l'avantage fiscal "Pinel", consenti aux particuliers achetant un logement pour le louer, seront "prolongées pendant quatre ans", mais distribuées de manière plus ciblée. Elles seront concédées de façon à "construire plus vite en zone tendue et à soutenir la revitalisation dans les zones détendues". Le Pinel sera "recentré sur les zones A, Abis et B1 sur 4 ans", tandis que le PTZ "ciblera les zones A, Abis et B1" sur la même période, avec une "souplesse de transition sur la zone B2 durant l'année 2018".
Recours abusifs davantage sanctionnés
Les recours contre les permis de construire - qui empêchent la mise en chantier de quelque 30.000 logements selon les promoteurs - devront être "motivés dès leur dépôt", et les procédures abusives seront davantage sanctionnées, affirme le gouvernement sans davantage de précisions. "Des mesures nouvelles seront prises pour maîtriser la durée des procédures", dit-il encore.
Un Plan pour rénover les centres des villes moyennes
Les villes moyennes pourront signer un "contrat de redynamisation" avec l'État, pour développer une "offre de logements rénovés correspondant davantage aux attentes de la population". "Dès 2018, Action logement (l'ex 1% Logement) mettra 1 milliard d'euros dans l'action sur ces villes moyennes", a affirmé le ministre Jacques Mézard. La Caisse des dépôts (CDC) "mobilisera une enveloppe spécifique" pour "investir en fonds propres dans des projets immobiliers", et "accorder des prêts pour accompagner les établissements publics fonciers et les collectivités sur les opérations foncières".
80.000 logements pour les étudiants et les jeunes actifs
Le gouvernement veut construire 60.000 logements pour les étudiants et 20.000 destinés aux jeunes actifs, sur le quinquennat. Il va également proposer une "solution de garantie" à tous les étudiants locataires "sans conditions de ressources et pour tous les logements", en étendant la garantie existante, Visale, financée par Action Logement. Un "bail mobilité de 1 à 10 mois" sera créé, à destination des étudiants et des personnes en formation, pour lequel "aucun dépôt de garantie ne sera demandé".
Les réactions des professionnels du secteur
De sérieuses avancées mais de dangereux oublis, selon la FFB
La FFB se félicite, pour l'essentiel, des annonces faites ce jour par les ministres Jacques Mézard et Julien Denormandie, tout en déplorant que la question primordiale du bon phasage des mesures ait été, pour partie, ignorée.
D'une part, la FFB se réjouit de l'engagement de maintenir sur quatre ans les dispositifs PINEL et PTZ en zones dites « tendues », là où les besoins sont évidents.
D'autre part, les mesures structurelles, consubstantielles à la création d'un choc d'offre, répondent, indéniablement, aux vœux exprimés de longue date par l'ensemble de la profession. À ce titre, il faut citer :
- l'inversion de la fiscalité immobilière ;
- la libération des terrains publics ;
- l'intéressement financier des communes à la construction ;
- le énième renforcement de la lutte contre les recours abusifs ;
- la volonté d'ancrer durablement la simplification des normes, accompagnée d'une consolidation du rôle du CSCEE (Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique );
- l'appui à la maquette numérique ;
- la simplification des procédures pour les HLM et la mise en place d'un dispositif favorisant la vente aux locataires.
Ces éléments constituent les bases d'un nouveau cadre très positif. Toutefois leurs effets ne se feront sentir qu'à moyen terme. Or, dans l'immédiat, alors que le marché est en train de se retourner, la brutale disparition du PTZ en zone C et du PINEL en zone B2, constitue un signal très négatif. Il ne pourra que contribuer à accentuer la fracture territoriale, pourtant au cœur des préoccupations gouvernementales, alors que, là aussi, les besoins existent. Ceci est d'autant plus regrettable que le gouvernement annonce dans le même temps :
- une période transitoire d'un an pour le PTZ en zone B2. Cette méthode aurait dû être retenue pour la zone C, avec une durée calée sur la concrétisation du choc d'offre. Faute de quoi c'est malheureusement la construction et l'emploi qui en pâtiront ;
- une mobilisation des fonds d'Action logement en faveur des travaux de requalification des logements obsolètes des centres des villes moyennes, espérés depuis longtemps.
À cet égard, Jacques Chanut, président de la FFB, précise que « l'appui de la profession dépendra aussi du détail de ces mesures. Nous les attendons donc avec impatience. De même, il faut que les incertitudes qui persistent, notamment sur le logement social, la transition énergétique et numérique, la lutte contre la fracture territoriale, soient levées au plus vite. Les marchés ont besoin de visibilité. Enfin, le débat sur les zones B2 et C ne saurait être clos avec le seul PTZ ancien ».
LCA-FFB fustige la mort annoncée du prêt à taux zéro et du pinel en « zones détendues »
LCA-FFB déplore vivement que les craintes, qu'elle avait exprimées autour de la suppression brutale des dispositifs prêt à taux zéro (PTZ) et PINEL en zones B2 et C, se soient confirmées ce jour lors de la présentation par le gouvernement de sa « stratégie logement ».
La mise sous soins palliatifs du PTZ en zone B2 durant l'année 2018 ne constitue qu'une transition pour une mort annoncée, qui sera extrêmement dommageable pour la production de logements et l'accession à la propriété des plus modestes. Dès 2019, les ménages modestes de la zone B2, privés d'aides, se verront contraints à un éloignement pour rejoindre des zones de foncier moins cher, soit un effet inverse à la volonté de recentrer les constructions dans des zones plus urbanisées.
LCA-FFB regrette fortement que l'analyse des zones de tension ne se fasse qu'au regard des niveaux de loyers et de prix et non du taux d'effort des ménages qui reste aussi important en zones dites « détendues » qu'en zones tendues.
Le coup d'arrêt du PTZ en zones B2 et C conduira à :
- Priver 50 à 70 000 ménages modestes d'une aide indispensable pour s'engager dans l'accession à la propriété dans des conditions parfaitement sécurisées
- Casser la dynamique de croissance du logement retrouvée depuis deux ans et par conséquent à détruire des emplois
- Rompre la cohésion des territoires et renforcer la fracture territoriale
Par ailleurs, la disparition du PINEL en zone B2 pèsera négativement sur l'offre locative neuve, au détriment d'une réponse adaptée aux besoins de mobilité et au parcours résidentiel.
LCA-FFB souligne la contradiction entre ces mesures et l'objectif affiché de « construire plus, mieux et moins cher ». Ce regret est d'autant plus fort que d'autres mesures annoncées s'avèrent très positives et rejoignent les vœux exprimés de longue date par les professionnels : l'abattement fiscal sur les plus-values foncières, l'arrêt de l'inflation normative et la simplification des réglementations ou encore la lutte contre les recours abusifs.
Les réactions des partis politiques
Parti Radical de gauche (PRG), Sylvia Pinel, présidente et ancienne ministre du Logement
"La stratégie logement présentée ce jour par le gouvernement est inquiétante et paraît guidée par un seul souci d'économie au détriment des ménages et des territoires les plus fragiles".
Les Républicains (LR), Geoffroy Didier, secrétaire national au logement
"Après une cacophonie estivale puis un retard à l'allumage, la stratégie Logement du gouvernement a le mérite d'exister et de poursuivre de bons objectifs : renforcer l'offre de logements dans les zones tendues et rechercher une baisse du prix des loyers dans le parc social. Les méthodes choisies pour y parvenir ne sont malheureusement pas souvent à la hauteur des objectifs. Imposer aux bailleurs sociaux de compenser la baisse des APL en baissant leurs loyers aura, en effet, un effet pervers: en réduisant leurs ressources, les bailleurs perdront la possibilité d'entretenir leur parc social".
Parti communiste français (PCF), Ian Brossat, responsable national au logement
"Les annonces ne laissent plus part au doute. Cette réforme est celle de l'insécurité sociale généralisée, dans une ampleur sans précédent ; une violente attaque contre les classes moyennes et les familles les plus modestes ; une vision technocratique de la vie des Français dont les conséquences pour l'emploi et l'économie seront extrêmement graves. Le fil rouge de cette réforme est la précarisation. Avec le bail de un à dix mois, des locataires deviendront jetables, à la merci de propriétaires qui profiteront de ces périodes d'essais pour mettre en concurrence les locataires".