"La centrale fermera, j'assume cette décision, (...) Je ne viens pas avec un chèque, mais je ne viens pas les mains vides. Il s'agit de construire un projet pour le territoire qui soit exemplaire", a déclaré M. Lecornu, secrétaire d'Etat à la Transition écologique et solidaire, lors de l'inauguration du comité en préfecture de Colmar.
Après avoir abandonné le conflictuel projet d'aéroport de Notre-Dames-des-Landes, l'Etat s'est emparé depuis jeudi de l'épineux dossier de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, planifiée entre fin 2018 et début 2019, au moment de la mise en place de l'EPR de Flamanville (Manche).
Ce sera une première pour le parc électronucléaire français qui compte 58 réacteurs en fonctionnement, dont 2 à Fessenheim. EDF évalue à 79 milliards d'euros le coût du démantèlement de tous les réacteurs en France.
Sébastien Lecornu savait que l'accueil serait froid. Chahuté par une trentaine de manifestants à son arrivée jeudi à la mairie de Fessenheim après une réunion avec les syndicats, il a dit comprendre le désarroi et la colère. Le site emploie directement 850 salariés d'EDF et 330 salariés permanents d'entreprises prestataires, sans compter les 2.000 emplois indirects et induits.
Lors d'une réunion vendredi avec des élus locaux, les services de l'État, des représentants d'EDF, des associations et des acteurs économiques français et allemands, il a esquissé "des pistes opérationnelles" pour assurer une reconversion du site "vers des activités durables et prometteuses".
La réponse sera franco-allemande
Des pistes variées seront soumises "dans les prochains jours" aux membres du gouvernement et un délégué interministériel sera nommé "sous quinzaine" pour suivre le dossier, a-t-il annoncé.
L'une des priorités de l'Etat seront les 330 emplois liés à la sous-traitance. "Sur cette question, la réponse sera franco-allemande", a-t-il expliqué. Une cellule spécifique traitera avec les salariés, "au cas par cas", en collaboration avec l'Allemagne "qui a besoin de ce genre de profil", a-t-il précisé.
Le rapprochement avec l'Allemagne se fera également au niveau fiscal grâce à "une harmonisation des conditions fiscales" entre le territoire autour de Fessenheim et la zone limitrophe du Bade-Wurtemberg.
L'Etat s'est engagé à "neutraliser les pertes fiscales" des collectivités locales concernées et veut lancer un appel à projets dans les domaines des énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien...) pour "ouvrir une nouvelle page de l'histoire industrielle de l'Alsace", a expliqué Sébastien Lecornu.
On s'est fait une raison
Les discussions ont "ouvert des perspectives" pour une partie du Haut-Rhin et de l'Alsace, a estimé le président de la région Grand Est, Jean Rottner. "On s'est fait une raison, il faut maintenant travailler à apporter une nouvelle ambition pour le territoire", a-t-il ajouté.
Les représentants syndicaux ont pour leur part jugé "constructive" leur première rencontre avec M. Lecornu.
"On ne peut qu'être content d'avoir ce dialogue, quand les gouvernements précédents n'ont strictement rien fait", a ainsi souligné Alain Basserer, délégué syndical FO du site nucléaire.
Sébastien Lecornu ne s'est pas rendu sur le site vendredi où l'attendaient une centaine de manifestants. Mais il reviendra à Colmar pour la réunion du comité de pilotage les 12 et 13 avril. Le calendrier de la fermeture de la centrale et de son démantèlement seront discutés à cette occasion.
Située tout près de la frontière avec la Suisse et avec l'Allemagne, la centrale de Fessenheim a été mise en service en 1977. Elle comporte deux réacteurs à eau pressurisée d'une puissance de près de 900 mégawatts (MW) chacun qui produisent l'équivalent de 65% de l'électricité consommée en Alsace.
Depuis de nombreuses années, les écologistes français, allemands et suisses dénoncent sa vétusté. L'installation est construite sur une zone sismique et en contrebas du Rhin.