"On insiste là-dessus car ça correspond à la réalité dès qu'on sort des grandes villes. Le bois est une source d'énergie historique qui peut être mobilisée par des appareils performants et à moindre coût, dans des zones où il n'y a pas forcément d'alternatives", a souligné le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) Jules Nyssen, lors d'une conférence de presse en marge de ces rencontres avec des élus locaux.
Le gouvernement a mis en consultation le 22 novembre un document de planification énergétique, la Stratégie française Energie-Climat (SFEC) pour 2024-2035.
L'un des leviers choisi pour sortir des énergies fossiles, responsables des gaz à effet de serre, est d'accélérer la production de chaleur d'origine renouvelable utilisée pour se chauffer, sachant que le chauffage représente 43% de la consommation d'énergie finale en France.
Les projections gouvernementale placent la consommation de chaleur d'origine renouvelable et de récupération à 297 térawattheures (TWh) en 2030, puis à 330 voire 419 TWh en 2035, contre 183 TWh en 2021.
"La hausse la plus importante est due au déploiement des pompes à chaleur" électriques, projette le document.
"Derrière les grands chiffres, qu'on partage, on constate une divergence sur la manière d'y arriver (...) Ce qui semble un peu sacrifié dans les stratégies gouvernementales, c'est la plus grosse partie, le chauffage au bois domestique", conteste M. Nyssen. "Il n'y a pas que l'électricité dans la vie !"
Selon lui, "le bois souffre d'un préjugé" et de la volonté de préserver la forêt et de maximiser sa fonction puits de carbone dans le contexte du réchauffement climatique (quand elle se porte bien, elle absorbe le carbone, principal gaz à effet de serre).
Quant à la pollution de l'air, elle est majoritairement due aux appareils anciens de chauffage au bois et peu performants.
"Allègement" de la consommation électrique
La filière n'a pas caché son soulagement vendredi en apprenant que le gouvernement décidait finalement de maintenir l'aide MaPrimeRénov pour l'achat d'appareils neufs de chauffage au bois (chaudières, poêles, inserts).
"Nous regrettons évidemment que son montant soit diminué de 30%, mais nous notons avec satisfaction que cette baisse ne sera applicable qu'au 1er avril 2024, ce qui permet de continuer à s'équiper aux conditions financières actuelles pendant toute la saison de chauffe 2023-2024", a commenté le SER.
Poêles, inserts, chaudières à bûches ou à granulés: quelque 7,3 millions de ménages français se chauffent aujourd'hui au bois. C'est plus qu'en 2013 (6,6 millions de ménages) et avec un rendement énergétique amélioré grâce à des efforts sur la qualité des appareils et des combustibles, signalés par le label Flamme verte.
La consommation énergétique du bois domestique est tombée à 76 TWh cette année contre 90 TWh en 2013, preuve qu'on peut chauffer plus de gens avec moins de ressource, soulignent M. Nyssen et son collègue au SER, Aymeric de Galembert (groupe Seguin-Duteriez), coprésident de la commission Chauffage au bois.
Pour le SER, la consommation énergétique provenant du bois domestique pourrait donc aisément suivre une courbe ascendante, grimpant à 80 TWh en 2030 puis 82 TWh en 2035. Contrairement au gouvernement qui la voit baisser à 60 TWh en 2030, puis entre 51 et 80 TWh en 2035 selon les scénarios.
"Pour se développer, on n'a pas besoin de tirer plus sur la ressource", a assuré durant une table ronde M. de Galembert. Le bois "joue un rôle dans la lutte contre la précarité énergétique et l'allègement de la pointe hivernale" de consommation électrique, a-t-il dit.
Outre le bois, le Club de la chaleur, qui unit l'association de collectivités Amorce et sept fédérations d'énergie renouvelable (AFPG, ATEE, Cibe, Enerplan, Fedene, SER et Via Sèva) estime que le gouvernement sous-estime aussi le potentiel énergétique à retirer des déchets ménagers.
Selon Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, le drame aujourd'hui, c'est que les collectivités locales se retrouvent avec des tonnages toujours élevés de poubelles et négocient pour certaines l'exportation de ce gisement vers des pays voisins qui l'utilisent pour se chauffer. Une situation "absurde", dénonce-t-il. Car "c'est un potentiel énergétique qu'on perd".