"On est dans des taux toujours très bas mais quand même qui ne baissent plus", a résumé jeudi en conférence de presse Jean-Marc Vilon, directeur général de Crédit Logement, organisme regroupant comme actionnaires les principales banques françaises.
"On fait ce métier dans ce contexte là avec vigilance mais, pour le moment, sans inquiétude", a-t-il assuré.
Selon les chiffres de l'observatoire Crédit Logement/CSA - ce dernier étant un institut d'études de marché -, les banques françaises ont appliqué en décembre un taux moyen de 1,43% sur les crédits immobiliers aux particuliers, toutes durées confondues.
C'est une très légère baisse sur l'année et c'est surtout proche du plancher historique de 2016: ce chiffre l'avait touché, à guère plus de 1,30%, après des années de déclin relativement régulier depuis la crise de 2008.
L'année dernière n'a pas seulement marqué une stabilisation à un bas niveau. Si l'on prend en compte la hausse globale des prix, les taux sont entrés dans une nouvelle dimension, jamais vue depuis 1974 selon l'observatoire: ils sont inférieurs à l'inflation.
Comme celle-ci s'est établie à 1,8% l'an dernier en France, cela revient à dire théoriquement qu'il est possible de gagner du pouvoir d'achat en s'endettant pour un achat immobilier. Cette interprétation doit être relativisée par le fait que les chiffres de l'observatoire s'entendent bruts et ne comprennent par exemple pas l'assurance des prêts, systématiquement demandée par l'organisme créancier.
Inhabituelle, cette situation "est une conséquence directe de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE)", a rappelé à l'AFP Sylvain Broyer, économiste en chef pour l'Europe chez S&P Global Ratings.
Depuis des années, la banque centrale mène une politique très interventionniste de facilitation du crédit dans le but affiché de relancer l'inflation et soutenir la croissance. Cela passe par des taux d'intérêt très bas, dont les observateurs ne s'attendent pas à un relèvement avant la fin 2019.
"Vigilance renforcée"
Dans ce contexte, les banques ont la tâche difficile et se mènent une rude concurrence pour attirer les emprunteurs, eux-mêmes confrontés à des prix immobiliers en hausse depuis des années. Si les taux semblent atteindre un plancher, elles ne cessent d'allonger la durée moyenne des prêts - à 226 mois en décembre, selon l'observatoire Crédit Logement/CSA.
De plus, "les conditions d'octroi des crédits se sont considérablement assouplies avec des taux d'apport qui n'ont jamais été aussi bas depuis 1978", un mouvement qui dure depuis 2012 et s'est accéléré à partir de 2017, assure l'observatoire.
En conséquence, l'endettement immobilier des ménages français atteint lui aussi des niveaux jamais vus: selon les chiffres de la Banque de France (BdF), l'encours des crédits à l'habitat a dépassé en novembre les 1.000 milliards d'euros.
Certaines préoccupations apparaissent: à l'automne, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), vigie du secteur à laquelle appartient la BdF, a appelé à une "vigilance renforcée" sur le crédit immobilier.
Pour autant, le HSCF a jugé que le niveau des risques restait "contenu", dans la lignée des principaux observateurs du secteur.
"La solvabilité des ménages français ne va pas s'étioler en 2019: on est plutôt sur un atterrissage en douceur que brutal du cycle immobilier", a jugé M. Broyer, prévoyant des taux encore bas cette année.
"Les prix augmentent moins vite par rapport aux revenus qu'ils l'avaient fait en 2007", juste avant le déclenchement de la crise économique des années 2010, conclut-il. "Et la régulation bancaire a fait beaucoup de progrès sur ce plan là."