"J'avais sous-estimé les conséquences dramatiques du réchauffement", a déclaré lundi soir le président de la Métropole Nicolas Mayer-Rossignol, qualifié de "fossoyeur du contournement" par le conseiller d'opposition Jean-Marc Vennin. Sa commune, Le Mesnil-Esnard, est selon lui traversée par "mille poids-lourds par jour".
Egalement maire de Rouen, M. Mayer-Rossignol, 43 ans, était favorable à ce projet d'autoroute à péage devant relier l'A13 et l'A28 lorsqu'il présidait l'ex-région Haute-Normandie. Mais il a changé d'avis et s'est prononcé contre lors de la campagne pour les municipales de 2020 qu'il a remportées allié à EELV.
Et lundi soir, après cinq heures de débat, le conseil métropolitain a décidé par 76 voix contre 43 et quatre abstentions de "ne pas financer" ce contournement où la circulation produirait 50.000 tonnes de CO² par an, soit 50 jours d'émission d'une zone de 700.000 habitants, "un désastre", selon EELV. Sur 53 élus du groupe socialiste et citoyens, seuls cinq ont voté contre la délibération, trois se sont abstenus. En 2016, la métropole déjà dominée par le PS allié à EELV s'était clairement prononcée pour le contournement.
Evalué à 886 millions HT en 2015, le projet devait être financé à hauteur de 245 millions d'euros par l'État, 157 millions par la Région, 66 millions par la Métropole et 22 millions par le département. L'apport du futur concessionnaire devait être de 396 millions.
Fervent défenseur du contournement, le conseiller métropolitain et régional centriste Pascal Houbron voulait encore y croire mardi matin.
Pour sauver le projet, la région présidée par Hervé Morin, partisan du contournement, "pourrait tout à fait financer peut-être une partie de ce que la métropole ne veut pas faire", a avancé cet élu sur France Bleu Seine-maritime/Eure.
Interrogé par l'AFP, l'entourage de M. Morin n'a pas souhaité faire de commentaire. Les conseillers régionaux doivent se prononcer lundi sur le contournement.
Pas de projet imposé par l'État
"Le contournement est en grand danger", a réagi dans un communiqué Bertrand Bellanger, président LREM du conseil départemental de Seine-maritime qui mi-janvier a voté la confirmation de sa participation à ce projet "utile pour le décongestionnement de l'agglomération". Le PS avait alors reconnu des "désaccords" en son sein sur le sujet.
"L'État a toujours rappelé son intérêt pour le projet (...) mais n'imposera pas un projet qui ne fait pas consensus parmi les acteurs locaux", a de son côté expliqué mardi un porte-parole du ministère des Transports à l'AFP.
L'État "attend les retours officiels de chacun" mais va "analyser en détail" les "propositions alternatives" de la métropole, a ajouté le porte-parole.
Dans un courrier du 13 janvier envoyé aux trois collectivités, et dont l'AFP a eu une copie, le préfet met en avant "un projet crucial pour l'attractivité économique de l'agglomération".
"Rouen reste la seule métropole française de cette taille sans contournement routier, ce qui se traduit par un flux de poids lourds important en agglomération", poursuit Pierre-André Durand.
"Disons oui aux 1.100 emplois mobilisés durant les 4 années de travaux", a argumenté le conseiller métropolitain Julien Demazure (LR) lundi soir.
Mais pour Nicolas Mayer-Rossignol, "en termes de décongestion, le dossier n'était pas du tout convainquant". Et avec le coût constamment relevé à la hausse des conséquences du CO², "l'intérêt financier du projet est annulé", a argumenté l'ingénieur des mines s'appuyant sur des critères de la banque européenne d'investissement (BEI).
Ces dernières années "il s'est passé des choses extrêmement importantes" comme "l'amplification, à l'initiative de Greta Thunberg, de la prise de conscience climatique", a de son côté plaidé le vice-président PS chargé des finances Nicolas Rouly pour justifier son propre revirement.
L'opposition n'est pas convaincue. "On nous affirme que le routier sera supplanté par le fluvial et le ferroviaire mais l'État s'est désengagé de ces moyens de transport depuis des décennies", a argumenté M. Vennin.