Le bâtiment "est un secteur absolument vital pour l'économie française", affirmait Bruno Le Maire au premier jour du déconfinement, le 11 mai. "Ça peut être le symbole du redémarrage économique français."
C'était le premier déplacement du ministre de l’Économie après deux mois de strict confinement pour lutter contre la propagation du coronavirus, et son choix fut emblématique: un chantier, aux environs de Paris.
Pourquoi le bâtiment plutôt que l'automobile, lourdement frappée par la crise et en quête de subventions, ou les commerces, largement contraints à fermer pendant le confinement ?
Il y a d'abord le symbole concret de la reprise des chantiers, en grande majorité interrompus depuis la mi-mars. L'activité avait redémarré sur 72% d'entre eux dimanche, et le gouvernement veut qu'ils aient tous repris à la fin mai, même si le secteur n'y croit guère.
La reprise du bâtiment est un moteur crucial. Son activité représente plus de 5% de l'économie française. Et au-delà, la santé du secteur est garante d'une offre suffisante en logements, essentielle au bon fonctionnement de toute l'économie.
Son redémarrage n'a rien d'évident car il dépend de l'attitude de ses trois grandes catégories de clients: les particuliers, les acteurs publics - État et collectivités locales - et les groupes privés, dont les promoteurs qui construisent les logements.
Ces derniers tentent encore d'appréhender l'avenir immédiat du marché.
Depuis le début de la crise, il n'y a plus de chiffres mensuels sur les permis de construire. Le coup d'arrêt devrait se révéler brutal, bien que le gouvernement ait pris des mesures pour assurer une rapide reprise de leur examen après le confinement.
Les promoteurs, qui évoquaient déjà une chute des permis avant la crise, craignent notamment que les blocages persistent avec les incertitudes autour des municipales, interrompues entre les deux tours par le confinement.
Des clients "ont tout perdu"
Au moins "la demande de logements, tirée par la démographie et le déficit d'offre structurel, ne disparaît pas: elle se reporte", soulignait début mai Alain Dinin, PDG de Nexity, premier promoteur français.
"Je ne crois pas à un retour à la normale avant la fin de l'année", prévenait-il toutefois dans la dernière édition du Journal du Dimanche. "Pour la promotion immobilière, l'année 2020 sera en baisse importante, d'au moins 100.000 logements."
Et difficile d'être optimiste pour les autres grandes catégories de clients du bâtiment. Les particuliers, notamment, voudront-ils toujours refaire leur cuisine, après, pour certains, des mois de chômage partiel voire d'inactivité totale ?
"Les clients sont inquiets pour la suite: certains ont fait des économies, mais d'autres ont tout perdu", rapporte à l'AFP Patrick Liébus, président de la Capeb, l'organisation qui domine les artisans du bâtiment, particulièrement touchés par le sujet.
"On a quand même pas mal de clients qui sont dans le commerce, l'hôtellerie, la restauration", ajoute-t-il. "Ils ne sont pas forcément en état de nous faire des devis."
A un autre niveau, les inquiétudes sont semblables dans le secteur des travaux publics. Dans quel état les collectivités locales sortiront-elles de la crise et seront-elles en mesure d'engager des travaux ?
Selon la FNTP, principale organisation des entreprises de travaux publics, la crise pourrait coûter jusqu'à neuf milliards d'euros aux collectivités locales, notamment parce que l'arrêt du marché immobilier les a privées des impôts locaux qu'elles prélèvent sur ces transactions.
La fédération fait déjà état d'un "trou d'air" dans les appels d'offres et estime que de nombreuses entreprises du secteur pourraient ne pas y survivre avant même la fin de l'année.
"Sans attendre les plans de relance qui seront discutés une fois la crise sanitaire passée, il convient de soutenir immédiatement la commande publique locale qui menace de s'effondrer", pressait-elle fin avril dans un communiqué.