Le taux de commission moyen pratiqué en France s'élevait en 2022 à 5,78% du prix de la vente, contre près de 4% dans le reste de l'Union européenne, rappelle l'Autorité, s'appuyant sur plusieurs études.
Le gouvernement avait demandé en 2022 à l'Autorité de se pencher sur le sujet pour répondre notamment à l'évolution du marché de "l'entremise immobilière" - l'appui d'acteurs permettant à un vendeur et un acheteur de parvenir à une transaction.
Le gendarme de la concurrence a identifié plusieurs "problèmes", dont l'opacité des taux de commission pratiqués, l'asymétrie de l'information entre les différents acteurs et le fait qu'ils ne sont pas tous soumis de la même façon à la loi Hoguet, qui encadre la vente immobilière depuis les années 1970.
Ces difficultés sont notamment liées à l'émergence de "nouveaux métiers" dans l'immobilier (agences en ligne, "coachs immobiliers", mandataires...), pas soumis aux mêmes dispositions légales que les agences immobilières classiques, mais qui peuvent être mandatés par des agences. Leurs prestations sont alors ensuite incluses dans les commissions, de façon parfois opaque.
Les frais élevés pèsent sur les consommateurs français, a pointé l'Autorité de la concurrence dans son rapport, remis au ministère de l'Economie la semaine passée et publié mercredi.
"Si les taux de commission des professionnels de l'entremise en France étaient ramenés à la moyenne de l'Union européenne, un gain annuel de près de 3 milliards d'euros pourrait être dégagé au bénéfice des ménages", estime l'Autorité dans cet avis, qui a valeur de recommandation.
L'Autorité propose "une réforme" visant à "donner aux ménages le choix de déterminer ce qu'ils veulent faire eux-mêmes et ce qu'ils veulent déléguer à des intermédiaires, pour retrouver la maîtrise de leur budget", explique Thibaud Vergé, le vice-président de l'Autorité.
Le rapport suggère ainsi notamment d'établir une liste exhaustive des prestations rendues par les professionnels, d'uniformiser les règles d'affichage des annonces, notamment en ligne, ou encore de rendre publiques des données immobilières déjà détenues par les notaires sur les prix de vente et les commissions.
Le tout dans le but de "réduire l'asymétrie de l'information" et "clarifier le périmètre de la loi Hoguet", souligne Benoît Coeuré, le président de l'Autorité de la concurrence.
Les professionnels du secteur se défendent
La Fédération Nationale de l’Immobilier, le Syndicat National des Professionnels Immobiliers et l'Union des Syndicats de l'Immobilier, comme toute la profession, ont pris connaissance de l’avis de l’Autorité de la concurrence « sur la situation concurrentielle du marché de l’entremise immobilière », au moment où l’accès au logement est compromis pour de nombreux Français, confrontés à un ralentissement des transactions sans précédent. Convaincue que le modèle de la transaction encadrée par des agents immobiliers réglementés est le pilier de la sécurité des consommateurs, la profession demande à être reçue par Bruno Le Maire dans les plus brefs délais.
L’Autorité de la concurrence propose une refonte intégrale du modèle économique de la transaction. Celui-ci a toujours reposé sur une prestation globale, sécurisante pour le consommateur, et de fait, sur une rémunération globale, uniquement au résultat.
« Rappelons un élément essentiel : la palette des services assurés par les professionnels à l’occasion d’une transaction ne se limite pas à la seule entremise » soulignent les représentants de la profession. « Notre mission intègre une prestation globale, de conseil et d’accompagnement jusqu’à la finalisation de l’acte. Si elle est réglée uniquement au moment où la transaction est réalisée (qu’elle soit réglée par l’acquéreur ou le vendeur), elle vient en réalité couvrir l’ensemble du processus. Notre activité hautement concurrentielle garantit le meilleur prix et la liberté de choix de l’intermédiation, ou non, et du prestataire. Le taux de satisfaction exprimé par nos clients est de 92,8% ! [1] ».
Les marges de ces entreprises sont parmi les plus faibles d’Europe [2].
Loi Hoguet : une sécurité au service des consommateurs avant tout
L’Autorité de la concurrence définit l’entremise immobilière comme « la sélection de clients et la négociation du prix de vente ». Une telle vision de l’entremise est particulièrement réductrice, a fortiori aujourd’hui. Acheter un bien est devenu un processus long, complexe, avec des obligations à chaque étape pour accompagner, conseiller et sécuriser le consommateur, lutter contre les arnaques, les fraudes, le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.
Le découpage de la prestation, recommandé par l’Autorité de la concurrence, entraînerait un bouleversement majeur sur le marché, au détriment du consommateur, sans vérifier l’opportunité de sécuriser une prestation globale.
« Imagine-t-on un acteur faire l’évaluation, un deuxième commercialiser, un troisième faire visiter, un quatrième vérifier les servitudes, un cinquième vérifier l’état technique du logement, un sixième rédiger le compromis de vente, etc ?! Pense-t-on sérieusement que le consommateur sera plus sécurisé et qu’il gagnera en pouvoir d’achat ? Qui portera la responsabilité ? » interrogent les représentants de la profession.
En s’attaquant à la Loi Hoguet, l’Autorité de la concurrence commet une erreur fondamentale. Par l’ensemble de ses règles et des exigences qu’elle impose aux professionnels de l’immobilier, cette loi est un gage de sécurité pour les consommateurs avant tout.
« L’Autorité de la concurrence semble totalement oublier que la Loi Hoguet, qui règlemente les professionnels de l’immobilier, est une loi de police, de sécurité des consommateurs. Découper la transaction ne baissera pas le prix du logement. » alertent les représentants de la profession.
Contraintes grandissantes et défaut de confiance : danger sur le secteur immobilier
Les obligations et contraintes pèsent de plus en plus sur les professionnels de l'immobilier afin de garantir un encadrement et une sécurisation du parcours immobilier des Français. «À vouloir déréglementer les professionnels de l’immobilier, quelles garanties laisserons-nous au consommateur ?» s’interrogent les syndicats professionnels.
Le secteur immobilier, poussé par la bonne santé du marché, a été un gisement d’emplois et de recettes publiques ces dernières années, ce que l’État a toujours observé favorablement.
Les syndicats en particulier rappellent que la profession a elle-même été à l’initiative du renforcement de la formation pour protéger le consommateur et l’accompagner sur le plan économique et technique. Ajoutons que l’État n’a toujours pas fait paraître, depuis près de dix ans un décret prévu par la Loi ALUR en 2014 sur la formation des collaborateurs habilités.
Les agents immobiliers sont des acteurs de la rénovation énergétique et du bien loger en France, les accompagnateurs de la valorisation du patrimoine, les facilitateurs du parcours résidentiel. La Loi Hoguet a toujours su s’adapter pour répondre aux besoins des Français.
Les représentants des professionnels sont déterminés à défendre un accès au logement sécurisé par des professionnels réglementés, dans l’intérêt des consommateurs sont mobilisés pour assurer la défense de tous les professionnels.
En 2022, 75% des Français ont fait confiance aux professionnels pour leurs projets immobiliers [3]. « Et le client ne se trompe jamais ! »
[1] Source : Opinion System – Mars 2023 (échantillon 225.500 avis clients contrôlés pour la FNAIM)
[2] Source : Eurostat 2015-2019
[3] Source : AVIS 23-A-07 DU 2 JUIN 2023 concernant le fonctionnement du marché français de l’entremise immobilière.