Elle se définit comme "femme de gauche et écologiste", mais cette diplomate du climat, âgée de 73 ans, réussira-t-elle l'exploit d'unir le Nouveau Front populaire derrière elle ?
"C'est une diplomate engagée à la fois sur le terrain écologique et sur le terrain social", qui n'a "jamais transigé avec ses convictions", a souligné mardi Olivier Faure, le patron du Parti socialiste à l'origine de la proposition de sa candidature comme Première ministre, une option soutenue par les écologistes et les communistes.
Mais La France insoumise voit en cette cheville ouvrière de la COP21 – la conférence de l'ONU qui a donné naissance à l'accord de Paris sur le climat - un profil susceptible de faire "rentrer par la fenêtre les macronistes" dans le gouvernement, dixit le coordinateur LFI Manuel Bompard.
Le 11 juillet, Laurence Tubiana cosignait dans Le Monde une tribune exhortant le NFP à "sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d'un programme d'urgence républicaine".
Et beaucoup rappellent que son nom circulait en macronie en 2020 pour le ministère de la Transition écologique... Une hypothèse qu'elle avait elle-même rejeté par avance : "Je ne crois plus à la politique des petits pas".
Très connue et respectée dans la sphère environnementale mais aussi dans les milieux économique et diplomatique, cette économiste a déjà agi aux côtés de la gauche dans le passé.
"Souplesse et assurance"
En 1997, elle rejoint ainsi le cabinet du Premier ministre socialiste Lionel Jospin, comme conseillère sur le développement durable, plongeant dans les négociations du protocole de Kyoto.
Quinze ans plus tard, en 2013, c'est également elle qui facilite le débat national voulu par le président François Hollande pour ébaucher l'avenir de l'énergie en France, avec des participants aussi divers que syndicats, ONG, élus et Medef.
Mais l'oeuvre majeure de Laurence Tubiana reste avant tout la construction complexe d'un compromis autour de l'accord de Paris sur le climat.
Elle consacre deux ans de sa vie à ces tractations historiques, sillonnant la planète pour élaborer un texte au langage parfois obscur mais capable de recueillir les signatures de la Chine comme des Etats-Unis.
Objectif: "pousser chaque pays à faire mieux", expliquait alors celle que tout le monde appelle "Laurence", petite femme aux cheveux argent et au sourire facile, qui au besoin sait aussi ne pas mâcher ses mots.
"Elle incarne un équilibre entre souplesse et assurance", relevait Christiana Figueres, alors responsable climat de l'ONU, pointant son "CV unique" : "une universitaire, qui a compris la science du climat et fait assez de recherche économique pour anticiper les transformations à venir; et qui a travaillé pour des gouvernements".
Le climat, et son corollaire - la question énergétique - Laurence Tubiana y est venue "naturellement" par ses recherches sur l'agriculture et le développement, raconte l'intéressée, qui créa aussi une ONG, Solagral, et un institut de recherche, l'Iddri (Institut du développement et des relations internationales).
"Projet de société"
Intellectuelle assumée, maîtrisant parfaitement l'anglais, professeure à Columbia et Sciences Po, Laurence Tubiana aime la politique "mais d'une certaine façon".
En particulier quand il s'agit de questions internationales, précise l'université, née à Oran (Algérie), d'un père juriste qui travailla dans le tabac et le cinéma et d'une mère importatrice de meubles scandinaves.
Son action résolue pour la lutte contre le dérèglement climatique s'élargit en 2020 aux citoyens "lambda" avec la Convention citoyenne pour le climat, qu'elle a co-organisé. Une expérience politique inédite qui débouche selon elle sur un "vrai projet de société", mais dont elle critique la reprise très partielle par le gouvernement d'Emmanuel Macron.
L'experte est aussi membre depuis sa création en 2019 du Haut Conseil pour le climat (HCC), organisme indépendant chargé d'évaluer les politiques climatiques de la France.