Il est vrai que la demande ne faiblit pas : dans le bâtiment, les carnets de commandes restent accrochés à un point haut en juin et les mises en chantier de logements ont retrouvé des couleurs, notamment dans l'individuel. Côté TP, les travaux réalisés ont repris de la vigueur et la commande privée se raffermit. Cependant, si beaucoup d'indicateurs sont au vert, il reste quelques points de vigilance : la commande publique peine encore à se réveiller, la construction non résidentielle reste atone et certaines tensions dans l'approvisionnement des matériaux (essentiellement importés) brident les entreprises dans leur capacité à répondre à la demande. Une situation à surveiller ces prochains mois…
Un bon mois de mai pour les granulats
Selon les premiers résultats de l’enquête de mai, la production de granulats et de BPE aurait retrouvé ses niveaux moyens de longue période. Ainsi, l’activité des granulats, en léger repli par rapport à avril (-1,3%, données CVS-CJO), bondit de +16,6% par rapport à mai 2020 (encore perturbé par le confinement sur les dix premiers jours) et de +2,1% au regard de mai 2019.
Les volumes de ces trois derniers mois progressent encore par rapport aux trois mois précédents (+0,5%) et, même s’ils surplombent fort logiquement ceux de 2020 (+66,7%), ils restent au-dessus de ceux des trois mêmes mois de 2019 (+1,4%). Sur les cinq premiers mois de l’année, l’activité des granulats ressort sur une tendance haussière de +1,1% au regard de 2019 (+29,6% comparé à 2020). Côté BPE, les livraisons de mai ont certes affiché un net rebond mécanique sur un an (+15,7%) mais se sont repliées par rapport à avril et par rapport à mai 2019 (-4,3% et -2,3% respectivement).
Pour autant, sur les trois derniers mois, l’activité continue de progresser légèrement au regard des trois mois précédents (+0,6%) en dépassant celle enregistrée sur la même période de 2019 (+0,4%). En cumul depuis janvier, les livraisons de BPE ont rebondi de +37,1% sur un an, restant légèrement en deçà du niveau constaté sur les cinq premiers mois de 2019 (-1%).
Notre indicateur matériaux traduit le même rebond conjoncturel sur le début d’année 2021 : l’activité du panier de matériaux affiche en effet une progression de +21,2% sur un an au premier trimestre et de +33,7% sur les cinq premiers mois (provisoire, données CJO), un rebond pas seulement lié à l’effet de base favorable du confinement puisque, comparé à 2019, la progression ressort à +2,8%.
Bâtiment et TP : des tensions face à la demande
La confiance ne faiblit pas dans l’industrie du bâtiment. En effet, lors de l’enquête menée en juin par l’INSEE, les entrepreneurs se montraient toujours très optimistes sur leur activité future.
Le jugement porté sur leurs carnets de commandes continue de s’améliorer à l’instar du solde d’opinion sur les effectifs prévus qui demeure très au-dessus de sa moyenne de long terme. Dans le gros oeuvre, les entrepreneurs estiment que, compte tenu de leurs effectifs actuels, 10 mois d’activité sont assurés par les carnets actuels. Cette forte demande se traduit par des tensions sur l’outil productif puisque, dans le gros oeuvre, 53% des chefs d’entreprise déclarent y être confrontés. Ces contraintes s’expliquent en partie par l’insuffisance de personnel (68% des entreprises de gros oeuvre éprouvent des difficultés de recrutement) mais aussi par l’accroissement des difficultés d’approvisionnement des chantiers.
En effet, les pénuries de matériaux, notamment importés (aciers, plastiques, bois, métaux), affectent le secteur depuis quelques mois et l’enquête INSEE indique qu’à fin juin 12,3% des entreprises du bâtiment étaient confrontées à des ruptures de chaine d’approvisionnement, un chiffre en hausse depuis février et très nettement au-dessus de la moyenne de long terme (1,7%). Une situation qui déteint sur les prix, puisque les chefs d’entreprise sont plus nombreux encore que les mois précédents à annoncer qu’ils augmenteront leurs prix. Côté bâtiment, le réveil des mises en chantier se confirme bien que, pour le non résidentiel, l’activité constructive reste morose. Certes, sur les cinq premiers mois de l’année, les surfaces commencées de locaux rebondissent de +16% par rapport à 2020 mais elles demeurent -12,2% en dessous du niveau de 2019. Quant aux permis, ils ont grimpé de +20,8% sur un an, mais affichent un niveau -19,2% inférieur à celui de 2019 sur la période. En revanche, s’agissant des logements, le redémarrage est réel : à fin mai, on recensait 390 600 logements mis en chantier sur douze mois et, de janvier à mai, la hausse atteint +29,7% par rapport à 2020 et de +3,6% au regard de 2019.
L’individuel, comme le collectif, participent à cette reprise mais, pour le premier segment, la dynamique est aussi enclenchée sur les permis. Ces derniers ont en effet rebondi de +14,3% par rapport à 2019 (+36,7% sur 2020) tandis que, pour le collectif, la tendance se replie encore de -11,4% (+15,6% par rapport à 2020). Du côté des travaux publics, l’activité de ces quatre premiers mois de 2021 est également meilleure que prévue selon la FNTP. Le rebond des travaux réalisés (+23% par rapport à 2020, CVS-CJO) hisse ces derniers au-dessus de leur niveau déjà élevé de 2019 (+1,1%).
Toutefois, en dépit d’une certaine reprise des commandes, notamment de la part de la clientèle privée, le niveau des carnets reste 9% inférieur à celui de 2019 en raison d’une commande publique qui tarde à se ranimer. Si la profession attend toujours les effets du Plan de relance, elle s’inquiète aussi des tensions inflationnistes et des risques pesant sur l’approvisionnement en matières premières.
Perspectives 2021
A la lumière de ces récentes évolutions, l’estimation de l’activité des matériaux pour 2021 a dû être révisée. Les meilleurs résultats de ce début d’année réhaussent mécaniquement les tendances annuelles alors même que les hypothèses initialement retenues dans le scénario du second semestre apparaissent désormais trop pessimistes. En effet, côté bâtiment, la demande apparaît bien plus solide que prévue et les conditions de financement bancaire, qui devaient se durcir dès le 1er juillet, via les réglementations du HCSF, resteront finalement plus accommodantes pour les ménages (annonce du 15 juin) avec, de plus, des taux d’intérêt habitat historiquement bas. C’est un contexte favorable pour l’activité du BPE, même si, les pénuries de certains matériaux freineront temporairement le bon déroulement des chantiers.
La demande de BPE pourrait ainsi progresser de +5% entre 2020 et 2021 (données brutes) mais elle resterait en dessous de son niveau de 2019 (-3,8%). Quant aux granulats, la vigueur du début d’année constitue un bon “acquis” sur la tendance annuelle. En partie portée par la dynamique du BPE, la demande pourrait par ailleurs être soutenue par une activité TP un peu meilleure au second semestre. Elle pourrait alors progresser de +8% par rapport à 2020 mais serait, elle aussi, en deçà des volumes de 2019 (-1,4%).