L'enjeu, c'est le sort d'URW, un géant mondial du commerce qui détient notamment le Forum des Halles et se trouve en plein marasme face à la crise sanitaire du coronavirus. Ses revenus ont chuté et son cours de Bourse est au plus bas depuis plus de 20 ans.
"La direction a failli, c'est un constat absolument unanime sur la place", a déclaré vendredi Léon Bressler, ancien patron d'Unibail, qui vient d'engager le combat contre les actuels dirigeants.
"Il nous a fallu agir pour sauver une entreprise qui n'a plus de cap", a insisté M. Bressler, lors d'une conférence de presse.
Celle-ci marquait l'apogée d'une semaine de lutte entre les dirigeants actuels et leurs deux opposants, M. Bressler et l'homme d'affaires bien plus médiatique, Xavier Niel, le fondateur de l'opérateur Free..
Stratégique, le combat est aussi médiatique. Les deux opposants, qui détiennent ensemble un peu plus de 5% du groupe, ont lancé les hostilités en fin de semaine dernière par une grande interview au Figaro.
Ils y annonçaient leur intention de s'opposer à une énorme augmentation de capital, de 3,5 milliards d'euros. Elle vise à préserver la solidité financière du groupe mais va aussi mécaniquement réduire sa valeur pour les actionnaires actuels.
"Accident industriel"
En réalité, le désaccord est bien plus profond car il touche à la grande opération menée par Unibail ces dernières années, le rachat pour une vingtaine de milliards d'euros de l'anglo-saxon Westfield.
Cette acquisition lui a permis de mettre un pied aux Etats-Unis, mais "c'est l'un des plus grands accidents industriels français, tous secteurs confondus, depuis 25 ans", a jugé vendredi M. Bressler.
Si ce rachat a fait changer Unibail de dimensions financière et internationale, il l'a aussi contraint à d'importantes cessions pour équilibrer son portefeuille, et son titre n'a cessé de décliner depuis l'annonce de l'opération voici près de trois ans.
Les opposants proposent donc de se débarrasser purement et simplement de tous les centres acquis aux Etats-Unis, d'ici deux ou trois ans. Et, selon eux, avec l'argent récupéré, il n'y aura aucun besoin d'une augmentation de capital.
Pour l'actuelle direction, c'est inacceptable. Comment revenir sur l'opération la plus emblématique du groupe, voire du secteur, depuis une dizaine d'années ?
A leur tour, les dirigeants d'URW ont multiplié les interventions médiatiques ces derniers jours. Interview au Figaro, là aussi, puis passages dans de multiples radios.
Ils dénoncent "un pari fou", selon les termes employés mercredi par Christophe Cuvillier, président du directoire d'URW, sur BFM Business.
Conclusion le 10 novembre
L'actuel patron souligne l'aspect profondément incertain des propositions des deux opposants, en pleine crise sanitaire et économique. Peut-on miser sur une revente en masse des centres américains alors que l'épidémie bat son plein et que l'on s'interroge encore sur l'ampleur de ses conséquences économiques?
Les opposants proposent "un grand saut dans l'inconnu", a martelé M. Cuvillier. "Ils le reconnaissent, il n'y a pas de marché aujourd'hui."
"Nous pensons que c'est faire prendre un grave risque à l'entreprise", a-t-il insisté, estimant que l'augmentation de capital permettrait d'"agir tout de suite".
Le lutte se fixe donc sur cette augmentation, ce qui contribue à son intensité. En effet, le temps presse pour les deux camps car l'opération doit être approuvée - ou non - par une assemblée générale le 10 novembre.
L'issue est incertaine car l'augmentation devra obtenir au moins deux tiers des voix des investisseurs présents.
URW peut, a priori, compter sur les grandes banques qui ont d'ores et déjà promis de souscrire à l'augmentation de capital, dont son premier actionnaire, la banque Goldman Sachs.
Mais celle-ci détient à peine plus de 10% du groupe, dont l'actionnariat est particulièrement éclaté. C'est donc un combat pied à pied qui s'annonce où il s'agira de se montrer en position de force.
Les opposants sont "submergés par le soutien de centaines de petits actionnaires", a assuré vendredi M. Bressler, évoquant des messages "sympathiques" du côté des plus gros.