Le béton est par nature un matériau répondant aux enjeux d’aujourd’hui : son caractère 100% recyclable sous forme de granulats, sa faculté à piéger le CO2, sa capacité à construire en hauteur et donc à limiter l’étalement urbain, son rôle clé dans la transition énergétique en tant que constituant de socles d’éoliennes, de barrages, d’infrastructures de transport doux … sont des atouts réels.
Alors que la Réglementation Environnementale 2020 (« RE2020 »), entrée en vigueur en janvier 2022, renforce les exigences de résultats en matière de conception des bâtiments, de confort et de consommation d’énergie, la filière du béton prêt à l’emploi (BPE) ne se repose pas sur ses atouts intrinsèques. Elle a été une des pionnières en matière de démarches et de partage des données environnementales, et continue de se mobiliser pour répondre aux objectifs fixés par la RE2020.
La filière du BPE s’inscrit dans une logique de sobriété et d’innovation, à la fois pour décarboner voire capter le carbone, mais aussi pour répondre à des enjeux de confort. L’idée est de construire mieux avec moins, pour mieux habiter, mieux circuler, mieux vivre, tout en préservant la planète.
Le syndicat national du béton prêt à l’emploi, le SNBPE, fait un point d’étape un an et demi après l’entrée en vigueur de la RE2020, et présente ses solutions pour aller encore plus loin, lors d’une conférence de presse organisée à La Maison des Centraliens, le mardi 19 septembre 2023.
Le béton prêt à l’emploi : un matériau qui répond aux enjeux actuels de la construction
Le béton prêt à l’emploi est un matériau 100% recyclable
Si 80% des bétons de démolition sont aujourd’hui valorisés, la filière s’est fixée comme objectif d’accroitre le recyclage des bétons de déconstruction dans les bétons.
L’engagement des acteurs de la filière s’est traduit pas l’évolution du contexte normatif avec la révision des normes suivantes :
- normes granulat NF EN 12620 de juin 2008 et NF P18-545 de septembre 2011 qui spécifient les caractéristiques et les propriétés des granulats recyclés ;
- norme béton NF EN 206-1/CN de décembre 2012 qui autorise l’utilisation de granulats recyclés issus de la déconstruction pour la fabrication de bétons.
Cette évolution normative permet aujourd’hui de construire des bâtiments avec du béton recyclé. Un nouveau pas a même été franchi en 2023 avec la construction du 1er immeuble en béton entièrement recyclé à Genevilliers ! Une première qui pourrait ouvrir la voie à un nouveau mode constructif.
Le béton prêt à l’emploi est un piège à Co2
La capacité du béton à emprisonner le dioxyde de carbone est liée au phénomène naturel de la carbonatation. Durant toute la vie d’un ouvrage, le CO2 atmosphérique pénètre le béton à partir de sa surface. Il y est absorbé par sa matrice cimentaire qui se transforme alors en calcaire. La carbonatation permet de capter pendant la vie d’un ouvrage de 15 à 25 kg de CO2 par mètre cube de béton. Les bétons des ouvrages existants piègent donc en permanence des millions de tonnes de CO2. Quand l’ouvrage arrive en fin de vie et au moment de sa démolition, le concassage du béton multiplie la surface offerte au CO2. Ainsi, la capacité du béton à capter le carbone peut conduire à des bétons carbonégatifs, c’est-àdire fabriqués à partir de granulats de béton recyclés ayant été préalablement enrichis en CO2 (puits permanent de carbone) ; le projet national Fastcarb exploite cette propriété à travers plusieurs démonstrateurs.
Le béton prêt à l’emploi permet la lutte contre l’étalement urbain
Par ses propriétés, le béton se prête à la verticalité des ouvrages, et à la réalisation d’infrastructures. La construction en sous terrain et en grande hauteur, limite l’étalement urbain et l’artificialisation des sols en densifiant le tissu urbain.
Le béton prêt à l’emploi permet la transition énergétique
Le socle des éoliennes, les barrages, les infrastructures de transports et le développement des mobilités douces font appel aux propriétés de résistance et aux performances mécaniques du béton.
Une filière BPE engagée de longue date dans la décarbonation de la construction
Une volonté de transparence absolue sur les impacts environnementaux dès les années 2000
La meilleure façon de concevoir des constructions plus respectueuses de l’environnement est de connaître les impacts écologiques de leurs composants. Les FDES, documents présentant les résultats de l'Analyse du Cycle de Vie d'un produit (ainsi que des informations sanitaires) sont là pour ça.
Cependant, dans le cas du béton prêt à l’emploi, les données par défaut, ne suffisent pas à optimiser la conception, il est essentiel d’utiliser les données environnementales les plus précises possibles, correspondant réellement aux bétons et armatures utilisés.
C’est pourquoi le SNBPE a mis au point le configurateur BETie pour le béton prêt à l’emploi, permettant justement d’intégrer les données les plus adaptées à la situation d’un projet. Ainsi, l’éco-conception de l’ouvrage en amont peut orienter vers des solutions autorisant des gains importants : utilisation des bonnes classes d’exposition, rationalisation des taux d’armature, mises en œuvre de solutions constructives (épaisseur, éléments pleins vs éléments creux, etc.).
La filière du BPE a été pionnière en la matière, réalisant ses premières FDES dès le début des années 2000. Les travaux du SNBPE ont largement alimenté la base de données globale, et les FDES sont facilement identifiables dans le Guide Environnemental du Gros Œuvre (GEGO) proposé en accès libre.
Cette transparence absolue sur les impacts environnementaux, et plus particulièrement sur l’empreinte carbone, n’est pas seulement une incitation à se conformer à la réglementation en vigueur, elle constitue également un outil très précieux pour les maîtres d’œuvre qui ont désormais toutes les cartes en main pour éco-concevoir leurs chantiers et leurs constructions.
Recherche et développement dans la filière : le béton de demain sera bas, très bas, voire ultra bas carbone
Si le béton « bas carbone » n’a pas encore de définition officielle, ni de cadre normatif ou réglementaire – des travaux sont en cours aux niveaux français et européen - il est cependant entendu qu’il correspond à un béton qui, « pour des propriétés, des performances, des qualités d’usage et une durabilité équivalente à celles d’un béton de référence », génère des émissions de gaz à effet de serre inférieures.
Caractérisation sémantique arrêtée ou non, le concept est quant à lui bien reconnu. Il s’agit d’optimiser les formulations traditionnellement appliquées pour faire du béton : meilleur dosage en sable, graviers, ciment, eau et adjuvants pour plus de performance et pour un poids carbone moindre. Un minutieux travail de R&D a abouti à des solutions innovantes déjà disponibles sur le marché, et le béton bas carbone est déjà largement utilisé.
Le SNBPE a d’ailleurs publié un document proposant des seuils à atteindre pour des parties d’ouvrages représentatives, en fonction des classes d’exposition et de la classe de résistance du béton. Les valeurs de ces seuils sont inférieures de 15% à la moyenne des bétons traditionnels.
Des démarches engagées sur les sites de production, les chantiers et le transport du BPE
La réduction de l’empreinte carbone passe aussi par l’amélioration de l’efficacité énergétique des unités de production de BPE, des engins de chantier et des transports.
Des investissements conséquents ont permis de modifier les process pour les rendre moins énergivores.
Le béton est un matériau produit et utilisé localement grâce à un réseau dense de 1.900 centrales à béton réparties au plus près des chantiers de construction. Les distances entre les lieux de production et les chantiers n’excèdent ainsi pas 15 kilomètres.
Si le BPE voyage sur de très courtes distances, les efforts de la filière portent sur :
- une utilisation accrue du transport fluvial et ferroviaire pour transporter les matières premières nécessaires à la production du béton,
- le recours à des camions à motorisation verte qui permettra de réduire à 0 l’empreinte du transport du béton.
Une mobilisation de tous les acteurs pour construire mieux
La filière du BPE se mobilise depuis de nombreuses années pour travailler avec l’ensemble des acteurs du secteur de la construction pour actionner les très nombreux leviers de réduction de l’empreinte carbone des bâtiments.
Des outils de plus en plus élaborés pour éco-concevoir dès l’origine des projets
En menant une réflexion plus poussée dès la conception des ouvrages, et en recourant plus fréquemment aux maquettes numériques (BIM), il est possible d’augmenter la précision, l’exécution et la qualité de la construction dans un objectif de sobriété et de réduction des émissions CO2.
En parallèle, le développement de l’impression 3D permet des constructions plus sobres, utilisant moins de matière et pouvant être construites dans des délais raccourcis. Cette plus grande flexibilité ouvre de nouvelles possibilités pour le secteur de la construction.
Également, l’utilisation des performances des bétons fibrés à ultra hautes performances (BFUP) offre des applications innovantes en particulier pour des structures très minces, perforées ou ajourées jusque-là inaccessibles au matériau béton.
Mieux utiliser le matériau
Partant du principe d’une utilisation du « bon béton au bon endroit », de très nombreux leviers de réduction de l’empreinte carbone des bâtiments sont possible et notamment :
- L’optimisation du choix de classes d’exposition du béton : en fonction de l’exposition ou non aux précipitations des différentes façades ou des éléments d’un bâtiment, différentes classes de béton peuvent être utilisées, permettant d’abaisser l’empreinte carbone. L’utilisation d’une classe unique de béton viendrait au contraire augmenter le bilan carbone global du bâtiment.
- Le recours aux bétons bas carbone permet également d’abaisser l’empreinte des structures.
- Le développement de l’utilisation de la précontrainte par post-tension représente également un levier important de décarbonation. Cette technique est très utilisée à l’étranger, en particulier pour les dalles ou les planchers.
- L’utilisation des bétons plus résistants pour des poteaux ou des poutres permettra d’en réduire leur section, leur volume et donc leur empreinte.
La mixité des matériaux diminue l’empreinte carbone tout en augmentant les performances
Il est avéré qu’associer le béton et d’autres matériaux pour la structure et l’enveloppe des bâtiments n’a que des avantages, que ce soit en termes d’empreinte carbone moindre ou d’efficacité finale. Les qualités de chaque matériau peuvent être mises à profit, et leurs défauts gommés.
Par exemple, le béton offre une excellente tenue à la compression, mais pas à la traction, tandis que l’acier est particulièrement performant dans ce domaine. Le mix acier-béton a ainsi largement fait ses preuves. Et tous les éléments de structure sont concernés : poteaux, poutres, planchers mixtes, parois minces…
Les projets de mixité des matériaux sont également amenés à se développer considérablement, selon les ouvrages et les régions : bétons dans les fondations, associations de bétons préfabriqués et bois/plâtre, ou même des bétons ou des parpaings contenant du bois.
Les évolutions déjà notables devraient se prolonger au-delà de 2031 dans une démarche multicritère
Nul doute que la RE2020 a porté ses fruits, mais vu la difficulté à adosser un label à des exemples d’ouvrages, par manque de références, il est souhaitable de mettre en place, grâce à la concertation des acteurs concernés et à la collecte de données, un Label d’État fiable RE2020, avec un référentiel solide.
C’est la raison d’être de Cap 2030 : une série de travaux techniques visant à faire émerger un cadre commun de référence et à élargir l’actuel champ réglementaire à d’autres aspects environnementaux (gestion durable de l’eau, économie circulaire, biodiversité, santé, etc.).
Si le SNBPE a toujours soutenu la RE2020, il regrette l’abandon de l’exploitation de l’observatoire E+ C-, ainsi que le choix de la méthode de l’analyse du cycle de vie dynamique simplifié. Et pour aller au-delà de 2031, dans le sens d’une démarche multicritère, il appelle de ses vœux une approche de type Level(s), soutenue par l’Union Européenne, qui utilise les principaux indicateurs de durabilité, testés avec et par le secteur du bâtiment, pour mesurer l’empreinte carbone, les matériaux, l’eau, la santé et le confort, les impacts du changement climatique, les coûts du cycle de vie et les estimations de performance.
Conclusion
L’objectif neutralité carbone est aussi noble qu’indispensable, il est surtout atteignable vu le degré de mobilisation de tous les acteurs du secteur.
Le SNBPE organise d’ailleurs des Rencontres Régionales rassemblant les acteurs de la chaîne de valeur de la construction, notamment pour accompagner les bureaux d’études et les architectes. Il s’agit de présenter le métier de producteur de béton prêt à l’emploi, de démontrer l’intérêt des solutions béton pour la construction, de rappeler la mise à disposition du configurateur de FDES BETie agréé par l’État, de partager les bonnes pratiques, et d’échanger sur un projet local.
SNBPE I Rencontres régionales RE 2020
- Bretagne I Rennes, le 9 novembre 2023
- Normandie I le 14 novembre 2023
- Auvergne-Rhône-Alpes I Lyon, le 21 novembre 2023
- Bourgogne-Franche-Comté I Dijon le 23 novembre 2023
- Provence-Alpes-Côte d'Azur I Marseille, le 7 décembre 2023