Après avoir enquêté sur les dépenses fiscales consenties de 2009 à 2016, en faveur de l'investissement locatif des ménages, la Cour a appelé à en "sortir progressivement et de manière sécurisée", dans un référé adressé le 17 janvier au Premier ministre, rendu public mardi.
Ces réductions d'impôt sur le revenu consenties aux bailleurs individuels ont un montant annuel inflationniste: 606 millions d'euros en 2009, 1,7 milliard en 2015. Et calculées sur toute leur durée - six à douze ans pour le "Pinel" -, leur coût pour l'Etat s'envole.
Ainsi, les dépenses liées aux logements acquis ou construits en 2009 sous le régime "Scellier", devraient atteindre 3,9 milliards d'euros sur toute la durée de l'avantage fiscal, contre 1,6 milliard pour ceux acquis ou construits en 2017 sous le "Pinel".
Et la prorogation de quatre ans du "Pinel", inscrite en loi de Finances 2018, fera grimper ce coût à 7,4 milliards d'euros à l'horizon 2035 "en dépit du recentrage envisagé sur des zones plus restreintes".
"Avec cet argent, on pourrait produire autant, voire plus de logements sociaux ou destinés aux ménages aux revenus intermédiaires, pour des durées beaucoup plus longues", souligne auprès de l'AFP Pierre Madec, économiste à l'OFCE.
"Très cher Pinel"
"Peut-on subventionner des logements dont la durée de mise en location est si courte, alors même que la nécessité de développer durablement un parc de logements abordables semble faire consensus ?", demandait-il en 2016, dans son article "Très cher Pinel".
Et ce d'autant plus que d'autres dépenses publiques "permettent, à volume égal, d'augmenter plus durablement le parc de logement locatifs", dit la Cour. Le coût annuel pour les finances publiques d'un logement de 190.000 euros bénéficiant du "Pinel" est deux à trois fois supérieur à celui d'un logement social, alors que la durée de location de ce dernier est "bien supérieure".
Un logement social est loué 40 à 50 ans, alors qu'un logement neuf bénéficiant du +Pinel+ est souvent revendu, au terme de l'avantage fiscal, à un accédant à la propriété, sortant ainsi du parc locatif.
Par ailleurs, ces dispositifs "profitent principalement aux plus aisés, favorisant une transmission intergénérationnelle des inégalités de patrimoine", pointe M Madec. Près d'un quart des bénéficiaires appartenaient aux 2,3% des foyers imposés disposant de 71.000 à 151.000 euros annuels, en 2013.
Quant à l'efficacité de ces dépenses fiscales, au regard des deux objectifs qui leur ont été assignés, soutenir l'activité du bâtiment et améliorer l'offre de logements locatifs, elle apparaît très modeste.
Car ces aides ont à la fois un "impact économique limité" et une "efficacité faible" pour loger les classes moyennes, l'offre ainsi créée ne représentant qu'une "faible part" de la production totale de logements neufs: 60 à 80.000 par an, sur environ 400.000.
Quant à leur supposé "effet modérateur" sur les loyers du privé - le bailleur ayant l'obligation de louer pendant plusieurs années à des prix inférieurs au marché - il n'a pas été mesuré.
Or la "faible présence de ces logements aidés dans les zones les plus tendues" et "l'écart, parfois incohérent, entre loyers plafonds liés aux aides fiscales et loyers de marché", laissent présager un effet "très limité", dit la Cour.
"Arrêter ces dispositifs qui maintiennent le secteur sous perfusion, faire revenir les investisseurs institutionnels sur le logement et réfléchir à faire baisser les prix, sont les chantiers à venir de la politique du logement", estime M. Madec.
Après le "Périssol" (1996-1999), ont suivi le "Besson" (1999-2002), le "Robien" (2003-2008), le "Borloo" (2006-2008), le "Scellier" (2009-2012), le "Duflot" (2012) et enfin le "Pinel" (2014).