Après le premier confinement, les économistes et le gouvernement ont été surpris par une reprise plus forte que prévu de l'économie. Mais la deuxième vague de l'automne et le danger d'une troisième ont refroidi les espoirs. Et cela malgré la perspective d'un déploiement prochain des vaccins.
Le gouvernement a dû revoir à la baisse sa prévision de croissance pour 2021 à +6%. Une performance atteignable "s'il n'y a pas de troisième confinement et si on a une reprise économique relativement régulière à partir du 1er trimestre", prévient Patrick Artus, économiste en chef de Natixis.
Sinon, "tout sera différent: ça voudra dire qu'il faudra attendre 2024 pour retrouver le niveau de PIB d'avant la crise, le chômage va monter beaucoup plus haut, les faillites d'entreprises aussi", ajoute-t-il.
Au-delà des chiffres, la réalité s'annonce plus contrastée. La crise devrait consolider certaines activités, comme le commerce en ligne, les métiers de la santé et du soin, et la transition écologique, un axe clé du plan de relance.
A l'inverse, tout un pan de l'économie - le tourisme, la restauration, les activités culturelles et de loisirs - reste en sursis.
"Il y a de nombreux points d'interrogation" sur l'avenir de ces secteurs, souligne Patrick Artus. "Est-ce qu'on retourne autant qu'avant dans les restaurants? Est-ce qu'on reprend autant qu'avant l'avion? Est-ce que le tourisme de masse du week-end recommence? Personne n'en sait rien".
Pour l'instant, les entreprises résistent, sous perfusion de plus de 470 milliards d'aides publiques, dont la majorité en garanties de prêts. Et, grâce au recours massif au chômage partiel, elles ont encore peu licencié, supprimant surtout les emplois en CDD ou en intérim.
Mais le pire est à venir, même sans troisième vague.
"Les faillites vont arriver courant 2021 et elles pourraient causer 200.000 destructions d'emplois", avance Bruno Ducoudré, économiste de l'OFCE.
Le taux de chômage devrait ainsi déjà flamber à 9,7% cette année, selon l'Insee. Et l'an prochain, "la montée sera progressive", avance Bruno Ducoudré, l'OFCE tablant sur 10,6% à la fin de l'année.
Pour limiter cette hausse, le gouvernement mise notamment sur son plan "un jeune, une solution", dont il perçoit de "premiers signaux positifs", au niveau du recours à la prime à l'embauche, de la progression des contrats d'apprentissage et des parcours d'accompagnement pour les plus éloignés de l'emploi.
Une garantie de ressources de 900 euros par mois a également été décidée jusque février pour 400.000 travailleurs précaires, qui alternent emploi et chômage.
Cela risque cependant de ne pas suffire à combler tous les "trous dans la raquette" et à empêcher le basculement d'un certain nombre de personnes dans la pauvreté.
Les départements constatent déjà une hausse des bénéficiaires du RSA - estimée à 8,5% sur un an fin septembre - et les associations d'aide alimentaires ont déjà enregistré entre 10 et 25% de nouveaux inscrits pour leur campagne cet hiver.
Relance et réformes
Face à ces risques, le "quoi qu'il en coûte" promis par Emmanuel Macron reste d'actualité, avec 20 milliards d'euros de dépenses d'urgence rajoutées in extremis dans le projet de budget pour 2021.
"Il n'est pas temps de lever les mesures de soutien à l'économie", a plaidé le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, même si les aides - et en particulier le fonds de solidarité dédié aux petites entreprises - seront désormais ciblées sur les secteurs les plus touchés par la crise.
Pour ceux qui vont mieux, l'exécutif compte sur le plan de relance de 100 milliards d'euros sur deux ans pour prendre le relais en 2021 et doper la reprise.
Mais la plupart des économistes s'interrogent sur son efficacité à court terme, alors qu'il est surtout axé sur un soutien à l'investissement dans des secteurs d'avenir et sur la baisse des impôts de production pour les entreprises.
C'est dans ce climat d'incertitudes, à un peu plus d'un an de la prochaine élection présidentielle, que l'exécutif veut reprendre ses projets de réformes de l'assurance-chômage et des retraites, malgré les dissonances en son sein sur la méthode et le calendrier.
Il est question du respect des promesses présidentielles, mais l'enjeu est aussi financier, avec une dette qui a explosé à 120% du PIB cette année et qui va encore grimper l'an prochain, et l'oeil de Bruxelles qui pourrait se faire moins conciliant à mesure que la crise s'éloigne.