La lutte contre le réchauffement climatique est "une course de fond", souligne l'économiste Française, mesurant les progrès engrangés depuis comme les "vents contraires".
Q: Comment regardez-vous le chemin parcouru depuis l'adoption, il y a juste trois ans (12 décembre 2015), du tout premier pacte universel sur le climat, auquel vous avez contribué ?
R: Paris a été un moment politique culminant, au terme d'un long processus. Puis il y a eu une combinaison de vents politiques contraires.
Maintenant, nous sommes comme dans une course de fond: il faut tenir, s'assurer que tous les bouts tiennent, que les acteurs font ce qu'ils disent, et quand ils ne le font pas, il faut le dire.
D'où l'importance de ces rapports, d'instituts de recherche ou d'ONG comme celui d'Oxfam qui dit que les banques françaises ne font pas ce qu'elles disent (en relevant leurs financements d'énergies fossiles, ndlr). Il faut montrer aux gens qu'ils ne peuvent pas dire "on est pour Paris" et faire n'importe quoi.
On voit aussi que les objectifs de l'accord de Paris, ce "zéro émissions net" (pour la 2nde moitié du siècle) que personne ne comprenait bien, les gens commencent à comprendre. Maintenant chacun y travaille: qu'est-ce que ça veut dire pour ma ville, mon entreprise, mon pays...? Et j'espère d'ailleurs que le gouvernement en France va faire sérieusement ce travail.
De toute façon, ça ne va pas être facile. Prenez la liste des gens qui sont contre. BP, Exxon, ou Shell, même s'ils racontent des trucs gentils, ce sont les secteurs, le charbon, les industries lourdes, le secteur automobile... qui n'ont pas envie de changer. Et c'est très gros. Donc il n'y a pas de miracle.
Et du côté des Etats, il y a des vents contraires. Mais ça bouge aussi, regardez ce que le gouvernement espagnol fait, c'est courageux et très clair.
Q: En même temps, le réchauffement va plus vite que l'action, et des frustrations s'expriment aussi sur l'efficacité des négociations onusiennes.
R: C'est pour ça que ce processus doit arriver à terme. Il faut qu'on arrête de négocier, maintenant ça se passe dans les pays, l'économie réelle, le secteur maritime...
Après, qu'il y ait des rendez-vous réguliers pour vérifier que tout va bien, très bien, et il faut bien un endroit où on cristallise, où on refait pression... après tout, plus de 20.000 personnes sont venues ici (à Katowice), dont à peine 1.500 personnes qui négocient: ça veut dire que c'est utile.
Q: D'où un grand changement pourrait-il venir ?
R: La colère arrive. Et la colère, en tout cas la pression, elle est absolument essentielle, c'est ça qui va faire bouger les choses. Il y a beaucoup de mouvements, qui ne faiblissent pas, de jeunes, de lycéens...
Il est important de finir la négociation aujourd'hui (à la COP de Katowice), pour qu'on ait le cadre d'application de l'accord de Paris. Mais pour le reste, ça va être beaucoup la pression, et se fonder sur cette protestation montante des jeunes générations, qui est la chose la plus précieuse.
Et qui est partout. Ici en Pologne aussi. Ces marches qui ont lieu partout, c'est tous les mois maintenant, il y a un effet de choc. C'est très important cette colère, cette mobilisation des jeunes générations, elle est tellement légitime.