Un accord en attente
Le régime de l'assurance-chômage est piloté par l'Unédic, organisme paritaire. Les partenaires sociaux renégocient les règles tous les 2 à 3 ans pour tenir compte des évolutions du marché du travail, ces règles étant formalisées dans une convention que l'Etat valide. Mais depuis 2018, leurs marges de manoeuvre sont restreintes car le gouvernement leur adresse en amont une "lettre de cadrage" qui fixe des objectifs (notamment d'économies) à atteindre. Sans accord, l'Etat reprend la main avec un "décret de carence".
Malgré ces contraintes, le patronat et la CFDT, FO et CFTC sont parvenus à un accord le 10 novembre sur les règles d'indemnisation pour les quatre prochaines années.
Mais le gouvernement a décidé de ne pas agréer l'accord en attendant l'issue d'une autre négociation sur l'emploi des seniors, en discussion jusqu'au printemps.
Un exécutif empressé
Depuis trois mois, l'exécutif manifeste sa volonté de durcir encore les droits à l'assurance chômage, après deux réformes en ce sens en 2019 et 2023.
Le Premier ministre Gabriel Attal a déclaré mardi sur RTL être favorable à ce qu'on "rouvre le chantier" de l'assurance chômage pour avoir "un modèle social qui incite davantage à l'activité".
Le premier coup de semonce avait été donné fin novembre par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire pour qui la durée d'indemnisation des seniors devait être alignée sur celle des autres chômeurs, en la baissant de 27 à 18 mois.
Le 16 janvier, Emmanuel Macron - qui veut ramener le taux de chômage à 5% en 2027, contre 7,5% actuellement - a élargi le spectre en annonçant un "acte II de la réforme du marché du travail".
A Davos, en Suisse, le lendemain, il a confirmé vouloir "durcir les règles de l'assurance chômage".
Dans sa déclaration de politique générale le 30 janvier, le Premier ministre avait indiqué qu'il demanderait une révision des règles de l'assurance chômage si sa trajectoire financière "dévie".
Le 20 février, l'Unédic a révisé en baisse son excédent, principalement en raison d'une ponction du gouvernement pour financer France Travail, qui remplace Pôle Emploi depuis janvier.
"On est en train d'étudier en ce moment" les conséquences de la dégradation des comptes de l'Unédic, a déclaré au JDD Gabriel Attal dans un article paru dimanche.
"On est passé de 24 mois à 18 mois de durée d'indemnisation, on peut encore la réduire. On peut aussi accentuer la dégressivité des allocations, cela fera partie des discussions", a encore indiqué le Premier ministre.
Des partenaires sociaux inquiets
Le gouvernement avait dit qu'il validerait la nouvelle convention d'assurance-chômage pour peu que les économies demandées sur la filière senior (440 millions d'euros) soient réalisées, mais "on est inquiets sur le respect de la parole donnée", a déclaré à l'AFP le négociateur de la CFDT, Olivier Guivarch.
Au nom de la CGT, Denis Gravouil dénonce le "nouveau chantage du gouvernement à ce qu'il reste de droits pour les chômeurs". Il l'accuse de "mentir" en sous-entendant que "les allocations empêchent de chercher du travail".
Autre "tartufferie" aux yeux du syndicaliste, la modulation des allocations en fonction de la situation du marché du travail (contracyclicité), appliquée depuis février 2023. La baisse des droits était alors "justifiée par la +baisse+ du chômage" et "cette année, il remonte mais le gouvernement veut encore réduire les droits".
Pour Michel Beaugas (FO), l'exécutif veut "reprendre la main. Nous mettre dans des conditions telles qu'on ne pourrait pas refaire un accord et donc avoir définitivement un décret de carence".
Côté patronal, le numéro un du Medef Patrick Martin, a jugé jeudi "prématuré" que le gouvernement envoie dès à présent une nouvelle lettre de cadrage, "pour des raisons de climat social et de respect des partenaires sociaux".
"Tout le monde sait qu'on va se prendre une lettre de cadrage au mois de juin prochain, tout le monde sait que derrière", les règles spécifiques pour les seniors seront supprimées ou "très fortement challengées", observait mi-février Eric Chevée (CPME).