Ces lopins avec cabanons et arbres fruitiers forment une enclave de verdure de 2,25 hectares d'où s'échappe parfois le chant d'un coq, tranchant avec les tours en arrière-plan et le parking attenant, dépotoir à ciel ouvert.
C'est sur ce parking que doit pousser le futur centre aquatique de la ville, utilisé comme centre d'entraînement pour les JO. S'ajouteront des équipements de loisirs, dont un "solarium minéral et végétal", sur 4.000 m2 de jardins ouvriers.
"Un solarium minéral, en gros c'est une terrasse pour bronzer", grince Viviane Griveau-Genest, qui préfère "avoir les mains dans la terre" et récolter ses légumes.
Comme cette trentenaire, certains jardiniers et défenseurs de l'environnement n'entendent pas abandonner si vite leurs 18 parcelles fin avril. "Des potirons, pas du béton", scandent-ils régulièrement.
Ils doivent plaider leur cause mercredi devant Tony Estanguet, président du comité d'organisation des JO-2024, lors d'une réunion qui traduit la fébrilité planant sur ce dossier.
Virus de la "bétonnerie"
"On avait pas besoin de ça, on a déjà la pandémie, je dirai qu'on a un virus supplémentaire qui s'appelle la +bétonnerie+. Elle gagne partout", grogne Gérard Muller, vice-président de l'association des Jardins ouvriers des Vertus, qui existe depuis 85 ans.
Rabotés au gré de l'urbanisation de cette ville populaire de 90.000 habitants au nord de Paris, les jardins actuels seront amputés d'un hectare au total. Après le centre aquatique, 6.000 m2 doivent être supprimés après 2024 pour une gare du Grand Paris Express.
Ces opérations s'inscrivent plus largement dans l'aménagement du fort qui jouxtent les Vertus et d'autres jardins ouvriers voisins.
"Dans ce projet on a le maintien de ce patrimoine notamment des sept hectares de jardins, c'est un engagement de longue date", assure Camille Vienne-Thery, directrice de projet à Grand Paris Aménagement, détenteur du terrain.
Les jardiniers délogés seront d'abord accueillis dans ces jardins voisins, puis disposeront d'un autre site, "un terrain de foot qui est en friche sur lequel on propose de reconstituer les jardins", explique-t-elle.
"Le sol, je ne vais pas le récupérer à l'endroit où on va me mettre et les lombrics ils ne vont pas partir dans mes poches. Je n'ai pas de camion de déménagement à lombrics", lance Mme Griveau-Genest.
"La destruction de ces jardins n'est pas utile" car il suffirait de "mettre le solarium sur le toit", plaide aussi Yvan Fouquet, architecte et soutien des jardiniers.
"Compromis"
"Trop tard", répond Karine Franclet, la maire (UDI) d'Aubervilliers, qui estime que casser le marché public signifierait "4,7 millions d'euros" de pénalités. Modifier le projet signiferait aussi du retard, "et là on est déjà très juste dans les délais", souligne-t-elle.
"Si cet équipement est réalisé dans le calendrier, on sera ravi de l'utiliser", expliquent d'ailleurs à l'AFP les organisateurs des JO, qui rappellent qu'ils seront "l'un de utilisateurs ponctuels" de cet équipement public.
Karine Franclet, qui dit avoir hérité d'un "dossier compliqué" initié par sa prédécesseure communiste, loue toutefois un équipement "essentiel", pour "faire partie de l'aventure" olympique et à visée pédagogique, dans un département où un enfant sur deux ne sait pas nager à son entrée en sixième.
Pour bâtir le centre aquatique - 33,6 millions d'euros - la Ville, maître d'ouvrage, bénéficiera de subventions, dont environ 10 millions d'euros de la Solideo, la société de livraison des ouvrages olympiques.
Plusieurs défenseurs des jardins ont formulé le 16 décembre un recours gracieux de demande d'abrogation du Plan local d'urbanisme de Plaine Commune.
"Il faut arriver à une position de compromis" mais "il ne faut pas perdre de temps", glisse Mathieu Hanotin, président socialiste de l'intercommunalité.
Aux yeux de Gérard Muller, qui continue de guetter l'apparition d'une mésange ou d'un hérisson dans son jardin, ce projet reste "une aberration qui est à contre-sens de l'histoire car on a besoin d'arbres, on a besoin de nature, écoutez on entend les oiseaux, c'est magnifique !"