L’accès aux artisans RGE, une condition sine qua none pour bénéficier des aides à la rénovation
Afin d’inciter les Français à la rénovation énergétique de leur logement, le gouvernement a mis en place des aides désormais bien connues, mais conditionnées notamment à la réalisation des travaux par un artisan RGE. Pourtant, seules 5% des sociétés du bâtiment sont labellisées RGE (69.000 sociétés sur les 1,3 million pouvant y prétendre), avec de forts écarts entre les régions : il y a ainsi 7,6% d’entreprises RGE dans les Pays de la Loire, 7,4% en Bourgogne-Franche-Comté ou en Bretagne, 7% en Normandie, mais seulement, 2,9% en Occitanie, 1,8% en Ile-de-France, 1,3% en Provence-Alpes-Côte-d'Azur et 0,7% en Corse.
L’indice de tension artisanale : un moyen de mesurer l’accessibilité aux artisans RGE
Si le nombre de sociétés RGE domiciliées par commune est une donnée disponible et déjà instructive, Heero, acteur du financement de la rénovation énergétique, est allé plus loin en calculant un indice de tension artisanale (ITA) sur le territoire français métropolitain. Cet indice permet de mesurer le niveau d’accessibilité à un artisan RGE en tenant compte des besoins effectifs de rénovation. Cet indice prend ainsi en compte la topographie de chaque commune, sa densité en logements et son accessibilité en 30 minutes par la route. Il est compris entre 0 et 100,0 correspondant à une tension nulle et 100 à une très forte tension (peu/pas de sociétés RGE à disposition au regard des besoins du parc immobilier).
A l’échelle de la France, il ressort que l’ITA moyen est de 54 sur 100. Plus précisément, la moitié des communes en France a un ITA entre 46 et 61, témoignant globalement d’une tension moyenne à forte sur le territoire : « Une commune sur quatre de France métropolitaine a une tension artisanale forte à très forte avec un ITA supérieur à 60, ce qui signifie dans les faits que les particuliers ne peuvent trouver aisément de sociétés RGE et sont dans l’impossibilité de faire réaliser les travaux par une société labellisée et donc de bénéficier des aides à la rénovation énergétique » analyse Romain Villain, directeur général de Heero.
Heero a ainsi étudié l’ITA de chaque région, basé sur la moyenne des ITA des communes de la région, mais également celui de chaque département, afin de livrer une analyse plus fine de la répartition des artisans RGE sur le territoire en fonction des besoins.
Le classement régional de la tension artisanale
L’analyse régionale de la tension artinale confirme que l’ITA est fortement lié à la topographie de chaque territoire (par exemple, zones montagneuses ou littorales), à leurs aires urbaines principales, ainsi qu’à la densité de population et au nombre de logements.
Les trois régions administratives présentant les tensions artisanales les plus élevées sont la Corse (76/100), la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (69) et la Bretagne (60), avec chacune des spécificités pouvant expliquer ce constat mais aussi des points communs : «On note que la tension artisanale est plus forte dans les régions touristiques, ce qui s’explique par une faible présence de sociétés RGE et une concentration de la population sur une portion du littoral ainsi qu’un parc de résidence secondaire important et souvent vieillissant. Et lorsque la région est également montagneuse comme la Corse ou une partie de la région PACA s’ajoute également les problématiques d’accessibilité aux chantiers » détaille Romain Villain, directeur générale de Heero.
A l’inverse, les régions dans lesquelles la tension artisanale est la moins forte sont l’Ile-de-France (48/100), Grand Est (50/100) et les Hauts-de-France (50/100), avec toutefois de fortes disparités départementales. « La région Ile-de-France présente l’ITA moyen le plus favorable grâce à son important bassin d’emploi, mais également à la densité du réseau routier. Pour autant, c’est la région qui présente le plus de disparités au sein de son territoire puisque Paris est l’un des département le plus en tension. C’est donc une région pleine de paradoxes » observe Romain Villain.
En effet, l’Ile-de-France fait partie des régions dans lesquelles la part de professionnels RGE est la plus faible : seulement 1,8% des 255.500 sociétés du bâtiment sont RGE soit un peu plus de 4.550 entreprises. Pourtant, seul 1% du territoire est situé en zone de très forte tension artisanale (23 communes seulement). Ce bon score, tout comme celui des régions Hauts-de-France et Grand Est s’explique par une implantation équilibrée des artisans qui, contrairement aux autres régions, ne se concentrent pas dans les zones urbaines directes mais se répartissent sur l’ensemble du territoire.
Les départements les mieux et les moins bien lotis
Sans surprise, les départements les plus tendus sont en cohérence avec la tension de la région à laquelle ils appartiennent, comme c’est le cas en Corse et dans la région PACA. Paris fait néanmoins figure d’exception, puisqu’il s’agit du 2e département le plus tendu, alors qu’il se situe dans la région la moins tendue !
En effet, si l’Ile-de-France est la région la moins en tension au global, ce n’est pas le cas de Paris (75), qui se caractérise par une tension artisanale parmi les plus fortes de France (77/100, 2e du classement départemental). Plusieurs raisons à cela : seules 361 entreprises certifiées RGE sont présentes, ce qui représente moins de 1% des sociétés du bâtiment domiciliées dans la capitale. Par ailleurs, ces entreprises sont principalement situées dans les arrondissements de la couronne extérieure de la ville.
Pour Romain Villain : « Paris est l’un des départements à la tension artisanale la plus forte car le nombre d’artisans intra-muros y est faible alors que le besoin de rénovation y est très fort : 20% des bâtiments parisiens sont des passoires thermiques. Compte tenu des niveaux de loyers mais aussi des difficultés à se déplacer dans Paris Intra-muros, les artisans préfèrent s’établir dans le reste de l’Ile-de-France, comme dans le Val-d’Oise ou les Yvelines, deux départements où la tension artisanale est faible. »
Parmi les départements les moins tendus, outre ceux appartenant à la région Ile-de-France (Val d’Oise, Yvelines) ou à la région Grand Est (Meurthe-et-Moselle), on note la présence du Territoire de Belfort (Bourgogne-Franche-Comté) et du Calvados (Normandie), départements dans lesquels les entreprises RGE sont relativement nombreuses et bien reparties au regard des besoins de rénovation.
Bilan
Ces classements établis par heero mettent en lumière les inégalités d’accès à un artisan RGE entre les régions, mais aussi entre les départements au sein d’une même région. Or, dès lors que l’utilisation des services d’un artisan RGE est indispensable pour bénéficier des aides publiques à la rénovation énergétique (MaPrimeRénov, CEE), on constate de facto que tous les Français ne pourront pas y accéder de manière équitable.
Pour Romain Villain : « Alors que les ambitions gouvernementales en matière de rénovation énergétique n’ont jamais été aussi fortes, le nombre limité d’entreprises qualifiées est un frein pour obtenir les aides et subventions publiques et donc un frein à la rénovation ! Bruno Le Maire évoquait ainsi fin 2022 qu’il fallait multiplier par quatre le nombre d’entreprises qualifiées RGE pour passer de 60.000 à 250.000 d’ici 2028, alors que pour l’instant le nombre d’artisans RGE ne progresse pas ! Le compte n’est pas prêt d’y être si on ne fait rien. »