"Avec l'ouverture de ce premier magasin de centre-ville en France", d'une surface de vente de 5.000 m2 pour un investissement de 6,6 millions d'euros, Ikea souhaite "faciliter l'accès de son offre aux citadins" et vise une zone de chalandise de deux millions d'habitants, à proximité de nombreux transports en commun, détaille le groupe dans un communiqué.
Pour Sara Kristoffersson, professeur d'histoire du design et auteur d'un livre sur l'enseigne, ce contrepied à la stratégie habituelle d'Ikea, consistant à ouvrir de grands magasins en périphérie, est à mettre au crédit de son adaptation "aux évolutions de consommation, ils sont très bons à ce jeu".
"S'ils constatent que de plus en plus de clients potentiels vivent dans le coeur des villes, ils font en fonction", affirme-t-elle à l'AFP: "Ikea est une entreprise commerciale qui veut gagner de l'argent, et au bout du compte, elle suit la tendance du marché."
L'enseigne avance cependant à pas comptés: en Suède, son marché historique, elle ne dispose que d'un point de vente en hyper-centre, à Stockholm, et la boutique, temporaire, doit fermer à l'été 2019.
Selon plusieurs quotidiens économiques néanmoins, si le magasin parisien trouve son public, l'enseigne pourrait ouvrir des formats similaires à Tokyo, Londres, New York ou Ryad.
Exception parisienne
Leader de l'ameublement et de l'aménagement de la maison en France avec 19,4% de parts de marché, Ikea compte déjà 33 magasins dans l'Hexagone, tous répartis en périphérie, sous forme de hangars bleu et jaune de 15.000 à 20.000 m2.
"Paris méritait une exception", indique à l'AFP Matthias Berahya-Lazarus, dirigeant de Bonial et expert en distribution.
Car c'est un marché, en terme de distribution, "très particulier en France": les habitants, pour au moins la moitié d'entre eux, n'ont pas de voiture et leur pouvoir d'achat est significativement plus élevé qu'ailleurs.
"C'est compliqué d'aller à Ikea, tous les Parisiens le savent, il faut louer un camion, une voiture... donc Paris devait être traité différemment", ajoute-t-il.
"Le particularisme parisien appelle des formats d'exception": toutes les enseignes travaillent en ce moment sur cela, rappelle l'expert. Il cite Conforama, qui a ouvert un format plus resserré intitulé "Confo", Décathlon ou même Leroy-Merlin, avec des contraintes logistiques pourtant plus grandes.
Les centres E. Leclerc, après 50 ans d'absence à Paris, ont aussi récemment décidé d'y installer des "drive piétons".
Numérique et livraison
Réparti sur deux étages au dessus d'un Décathlon, le futur magasin Ikea sera situé dans le centre commercial des Trois Quartiers, sur le boulevard de la Madeleine, en plein coeur de la capitale.
Il bénéficiera d'une "nouvelle manière de présenter son offre grâce au développement de services et du numérique": les clients devraient pouvoir se faire livrer toutes les références de l'enseigne, même celles qui ne sont pas stockées dans le magasin.
Selon Walter Kadnar, le PDG d'Ikea France cité dans le communiqué, "ce nouveau format, qui sera un véritable lieu d'expériences", permettra de "répondre aux habitudes et aux attentes des Parisiens et de mettre en avant, par exemple, des solutions adaptées aux petits espaces".
L'enseigne, qui a réalisé en France 2,69 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur son exercice décalé 2016-2017, testera également des "modes de livraison alternatifs comme le vélo", et a pour ambition de proposer "des livraisons 100% électriques d'ici 2020 dans Paris".
D'autres distributeurs présents à Paris surfent déjà sur cette vague écolo-responsable. Franprix se fait même livrer via des péniches.
Une stratégie qui n'étonne pas le professeur Kristoffersson: "alors qu'Ikea s'est longtemps positionnée auprès des consommateurs modestes, la classe moyenne s'est enrichie et les clients sont désormais prêts à payer pour être livrés".