Le Conseil supérieur du notariat (CSN), l'instance qui représente les notaires au niveau national, a annoncé lundi qu'il attaquait en justice la Fnaim, première organisation d'agents immobiliers en France.
En cause? Une question d'image. La Fnaim propose aux agents d'afficher dans leur boutique un logo qui doit témoigner de leur statut officiel. Le notariat l'accuse d'avoir copié la plaque affichée par les notaires à l'entrée de leur office.
Les images sont proches en effet, et mettent chacune en scène une figure féminine, même s'il s'agit d'une personnification de la République dans le cas des notaires et d'une déesse romaine, Vesta, du côté des agents.
C'est la voie vers des "pratiques commerciales trompeuses", selon le notariat qui met en garde, dans un communiqué, contre un risque de "confusion" entre deux professions au coeur de l'immobilier.
Les agents servent d'intermédiaires entre vendeurs et acheteurs, tandis que les notaires jouent un rôle crucial en authentifiant les transactions.
Le client risque-t-il de confondre un agent, activité à but purement lucratif, et un notaire, en partie garant d'un service public?
"Il n'en est rien", assure à l'AFP Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim, revendiquant un logo "très clairement différent".
Cette action en justice témoigne "d'une très grande fébrilité" du notariat, contre-attaque-t-il. "Quand on en est réduit à ça, on a quand même un petit problème existentiel. Que craignent-ils? Leur légitimité ne vient pas de leur logo."
"C'est une profession qui est aujourd'hui sur la défensive", avance-t-il, accusant le notariat de ne pas avoir "su gérer correctement la période du confinement".
"Indigne"
Car le conflit est plus profond qu'une querelle de logo: les deux organisations sont en guerre plus ou moins ouverte depuis le début du confinement décrété mi-mars en France contre la propagation du coronavirus.
Dès les premiers jours, la Fnaim a reproché aux notaires d'être nombreux à fermer leurs études et à ne plus authentifier les opérations immobilières, étape essentielle pour les mener à bien et permettre aux professionnels d'être payés.
Le gouvernement a tenté de résoudre le conflit en servant d'intermédiaire. Rapidement, il a pris un décret pour faciliter la signature virtuelle de documents auprès de notaires.
Mais la mesure, difficile à généraliser techniquement, n'a guère débloqué la situation.
Elle n'a pas non plus empêché le notariat de s'attaquer à son tour publiquement à la Fnaim début avril, reprochant à celle-ci des "chiffres fantaisistes et trompeurs" sur le nombre de projets immobiliers bloqués.
Le président du CSN, Jean-François Humbert, accusait au passage la Fnaim de ne représenter qu'une "petite partie des agences". Le monde des agents n'a, certes, pas présenté un front uni: une autre organisation, la SNPI, s'est désolidarisée de la Fnaim qui revendique quelque 12.000 adhérents.
Depuis, les deux professions n'ont guère donné de signe de rapprochement malgré certaines initiatives locales, comme en Île-de-France où agents et notaires, ainsi qu'architectes et promoteurs immobiliers, se sont réunis début mai pour proposer des solutions communes à la crise économique.
Alors même que le confinement est levé depuis deux semaines et que les acteurs du marché immobilier font état d'une reprise de l'activité, l'action en justice du notariat laisse difficilement entrevoir une accalmie.
M. Torrollion a une attitude "indigne", passant du "dénigrement pendant la crise" à la "copie trompeuse", accusait encore lundi sur Twitter M. Humbert, en appelant au ministre du Logement, Julien Denormandie.
Interrogé par l'AFP sur le conflit, le ministère n'a pas répondu dans l'immédiat.