Dans une ordonnance signée le 17 janvier et consultée par l'AFP, Hélène Davo, première présidente de la cour d'appel de Bastia, relève que "plusieurs éléments ont pu conduire à faire naître un doute légitime sur la partialité du magistrat instructeur", Eric Métivier, qui "conteste toute partialité".
L'affaire, révélée par le quotidien Le Monde, débute le 17 janvier 2023. Guillaume Marcellesi, fils de Jean-Noël Marcellesi, hôtelier et promoteur immobilier de luxe en Corse-du-Sud, est retrouvé par les gendarmes "grièvement blessé" dans la carrosserie d'un ami à Porto-Vecchio.
Il raconte avoir été agressé par deux hommes, Anthony Bornea et Pierre Battesti, à coup d'extincteur, relate une décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia.
Bilan pour l'homme de 34 ans: "pneumothorax" (dommage pulmonaire), multiples plaies au visage et à une jambe, ainsi que "de nombreuses dents cassées" avec 30 jours d'incapacité totale de travail (ITT).
Un chirurgien-dentiste émettra "d'importantes réserves sur le devenir de l'ensemble des dents" au vu de "la sévérité de l'agression", qui a été captée par la vidéosurveillance.
Auditionné, Guillaume Marcellesi assure qu'Anthony Bornea avait "déjà menacé son père au cours de l'été 2021", lui "ordonnant de se retirer d'une affaire", l'acquisition d'une résidence "d'exception" composée de 26 appartements "avec vue imprenable sur la lagune" pour plusieurs millions d'euros à Piantarella (Corse-du-Sud), "sous peine de représailles".
Un autre entrepreneur corse, Paul Canarelli, propriétaire du luxueux domaine de Murtoli et beau-frère d'Anthony Bornea, associé à Philippe Godeau, Pascal Grizot et Jean-Claude Tafani, figurait parmi les autres investisseurs potentiellement intéressés pour racheter ce complexe, selon l'audition du père de la victime.
Cette version est contestée par Paul Canarelli, qui nie aussi que son beau-frère ait exercé des pressions.
Mais un témoin a assuré qu'Anthony Bornea était déjà venu "en 2022 le dissuader d'être partenaire financier de Jean-Noël Marcellesi dans l'opération de Piantarella". Le lendemain de l'agression de Guillaume Marcellesi, a poursuivi ce témoin, M. Bornea serait revenu le voir, lui demandant de dissuader le père de la victime de porter plainte, sous peine de "conséquences".
"Tentative de meurtre avec préméditation"
Placé en garde à vue le 19 janvier, Anthony Bornea a contesté ces accusations et affirmé avoir frappé "avec son poing" Guillaume Marcellesi "sans s'expliquer la gravité des blessures de la victime".
"Des propos homophobes" tenus par la victime à l'encontre de son fils aîné étaient à l'origine de l'affrontement, selon lui.
Anthony Bornea et Pierre Battesti ont été mis en examen pour "tentative de meurtre avec préméditation de Guillaume Marcellesi".
Anthony Bornea a également été placé sous le statut de témoin assisté pour "tentative d'obtention par violences, menaces de violences ou contrainte (..) de la renonciation à l'acquisition d'un ensemble immobilier", le tout "en bande organisée".
Pour la chambre de l'instruction, Anthony Bornea "était curieusement et fort rapidement placé sous ce statut de témoin assisté". Dans un arrêt rendu le 29 novembre, elle rappellera au juge d'instruction que "le principe d'une instruction à charge et à décharge lui fait obligation".
Plusieurs actes demandés par les parties civiles ont été refusés par le juge d'instruction, ce qui a notamment motivé le dépôt le 18 décembre d'une requête en récusation par les avocats Me Margaux Durand-Poincloux, Me Valérie Vincenti et Me Gaëtan Di Marino.
Eric Metivier a ordonné la remise en liberté des deux suspects en mai, en juillet et en octobre, estimant notamment que "l'intention meurtrière n'a pas pu être établie". A chaque fois, le parquet a fait appel et chaque fois la chambre de l'instruction a ordonné leur maintien en détention, acceptant seulement, en octobre, de placer M. Battesti sous contrôle judiciaire.
Désormais, un autre juge d'instruction va reprendre cette enquête, précise l'ordonnance de récusation.
Dans une autre tentative d'assassinat, le juge Eric Métivier est également critiqué par le suspect de l'affaire.
"Joseph Mocchi, qui est confronté depuis 18 mois à des rejets quasi systématiques de toutes les demandes nécessaires à sa défense, s'interroge (..) sur la neutralité des acteurs de ce dossier", ont indiqué à l'AFP ses avocats Me Emmanuel Molina et Me Charlotte Cesari.