"Nous allons développer la prime à la conversion des chaudières pour faire en sorte que les Français puissent se libérer de cette contrainte extraordinaire d'utiliser le fioul pour se chauffer", a déclaré mercredi sur RTL le Premier ministre Edouard Philippe, qui a aussi affiché l'ambition d'en finir avec ces chaudières d'ici à la fin du prochain quinquennat.
Actuellement, 3 millions de logements individuels et 600.000 logements collectifs sont chauffés au fioul en France et leur consommation représente 12% celle de l'ensemble des produits pétroliers sur le territoire, essentiellement en milieu rural.
Les ménages concernés font face à une flambée du prix du fioul du fait de la remontée des cours du pétrole et de la hausse de la taxe carbone. Entre octobre 2017 et octobre 2018, le litre de fioul domestique est passé de 0,74 à 1,01 euros, selon les données du ministère de la Transition écologique et solidaire.
Pour atténuer le mécontentement, le gouvernement dévoilera donc prochainement ses mesures, qui consisteront en l'amélioration de deux dispositifs existants, a-t-on appris auprès de Matignon.
Le crédit d'impôt transition énergétique (CITE), qui permet actuellement de déduire de ses revenus déclarés 30% du coût de certains travaux et achat d'équipements, sera d'abord renforcé.
Au-delà de l'équipement lui-même, il intègrera les frais de pose de la nouvelle chaudière et de dépose de la cuve au fioul, et le taux pour ces opérations sera relevé à 50%. Un amendement en ce sens au projet de budget 2019 a été adopté vendredi à l'Assemblée nationale.
Les ménages qui changent de chaudière pourraient également bénéficier de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) même s'ils n'effectuent pas d'autres travaux de rénovation énergétique, contrairement aux règles actuelles. La durée de ce prêt serait aussi allongée, prévoit-on à Matignon.
Passoires énergétiques
Par ailleurs, le gouvernement entend redonner de l'élan au "coup de pouce" lancé en 2017 par Ségolène Royal puis remodelé par Nicolas Hulot, et qui permet depuis avril dernier le versement d'une prime pouvant aller jusqu'à 3.000 euros aux ménages modestes qui abandonnent leur chaudière au fioul pour un équipement à base d'énergie renouvelable (chaudière à bois, pompe à chaleur, etc.), via le mécanisme des certificats d'économie d'énergie (CEE).
Mais cette prime connaît pour l'instant un succès "timide", reconnaît Franck Annamayer, président du GPCEE, qui regroupe les professionnels des CEE.
Seuls 349 changements de chaudières ont été engagés en six mois, selon les chiffres du ministère de la Transition écologique et solidaire. "Mais c'est le tout début", nuance M. Annamayer, et une concertation est en cours pour dynamiser le dispositif.
Parmi les pistes étudiées, l'élargissement de la prime à plus de ménages ou encore l'ouverture du dispositif au remplacement d'autres types d'énergie que le fioul, comme certaines vieilles chaudières à gaz.
A toutes ces aides peut s'ajouter un soutien de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les ménages modestes.
Mais pour Danyel Dubreuil, de l'ONG CLER - Réseau pour la transition énergétique, ces mesures ne résolvent pas un écueil essentiel: le fioul "concerne des logements hors réseaux (de gaz, de chaleur, etc.), en zone rurale, et des foyers qui n'ont souvent pas les moyens d'apporter le complément" aux aides publiques, alors qu'une chaudière à bois coûte autour de 15.000 euros et une pompe à chaleur de l'ordre de 12.000 euros.
Par ailleurs, "le plus souvent, les gens ne changent leur équipement de chauffage que quand il casse définitivement", limitant l'efficacité de ces mesures à court terme, ajoute-t-il.
Quant à s'équiper d'un chauffage électrique, la plupart des experts estiment que ce n'est pas envisageable sans d'importants travaux d'isolation des logements, sous peine de voir les factures de courant flamber.
"La plupart du temps, ces logements sont des passoires thermiques. Donc en changeant la chaudière on n'a pas résolu la question de l'isolation et donc de l'efficacité énergétique", insiste Danyel Dubreuil, qui plaide pour une "politique plus ambitieuse" en matière de rénovation.