Face à une baisse de l'octroi des crédits immobiliers, le ministère veut s'assurer que les normes visant à protéger contre le surendettement "ne deviennent pas un obstacle à l'accès au crédit", indique Bercy dans une déclaration transmise mardi à l'AFP et qui confirme une information des Echos.
"A la demande du ministre (Bruno Le Maire), des travaux d'évaluation sont en train d'être menés en lien avec la Banque de France, le HCSF (Haut conseil à la stabilité financière, qui associe entre autres le ministère de l'Économie et la Banque de France, NDLR) et l'ensemble des acteurs concernés", poursuit Bercy au lendemain d'une réunion avec la Fédération bancaire française et un mois après que le Haut Conseil a jugé les règles actuelles satisfaisantes.
Depuis le 1er janvier 2022, les banques françaises doivent respecter les critères suivants, définis par le HCSF, pour accorder un crédit immobilier: un taux d'effort, c'est-à-dire le montant total des dépenses liées à l'habitation rapporté aux revenus, de 35% maximum et une durée d'endettement de 27 ans au plus, pour certains cas (comme des travaux préalables à l'emménagement).
Les établissements ont toutefois la possibilité de déroger à ces critères pour 20% des crédits, à condition que ces dérogations concernent essentiellement l'acquisition d'une résidence principale et visent dans un tiers des cas à soutenir des primo-accédants.
Aujourd'hui, cette "marge de flexibilité est très loin d'être saturée, à 14,5%", réagit auprès de l'AFP la Banque de France, rappelant que "le crédit immobilier est en France le plus abondant et le moins cher d'Europe aujourd'hui".
Si des changements venaient à être annoncés, ils le seraient à l'occasion de la prochaine réunion du HCSF, en juin.
Reste à vivre
De son côté, la Fédération bancaire française (FBF) souligne que la "mise en œuvre au quotidien" des critères HCSF "peut se révéler complexe en gestion".
"La profession partage la proposition de Bercy d'ouvrir un dialogue sur le sujet", ajoute-elle, tout en évoquant "des critères d'octroi propres aux banques qui eux, sont tout à fait adaptés et permettraient de prendre davantage de clients".
Derrière cette formulation, la FBF évoque sans le mentionner directement le reste à vivre, critère régulièrement défendu par les banques, et qui dans certains cas pourrait se substituer au taux d'effort.
Contrairement au taux d'endettement, celui-ci prend en compte la somme d'argent restant aux ménages pour ses dépenses courantes, après le paiement des dettes.
Cette modalité de calcul, jusqu'ici écartée par le HCSF, notamment car jugée trop subjective, avantage plutôt les hauts revenus.
Si rien n'est encore acté, cette déclaration du ministère marque une nouvelle inflexion, après l'"ajustement technique" du calcul du taux d'usure décidé en janvier et qui dépasse désormais 4%.
Ce taux, qui plafonne l'ensemble des frais d'un prêt immobilier, était accusé de restreindre l'accès au crédit en empêchant les banques de prêter plus cher, en période de forte remontée des taux.
Après des mois de pression et une manifestation de courtiers devant la Banque de France, les pouvoirs publics ont finalement décidé de recalculer ce taux d'usure tous les mois, jusqu'au 1er juillet, et non plus tous les trimestres, afin de le relever plus rapidement.
Guerre de chiffres
L'opportunité d'assouplir ou non révèle l'affrontement entre divers acteurs concernant la santé du secteur immobilier.
Face aux professionnels de ce secteur qui s'alarment, disant craindre un effondrement, François Villeroy de Galhau, évoque plutôt une normalisation après une année 2021 record.
Selon l'Observatoire CSA/Crédit Logement, le nombre de prêts accordés a diminué de 20,5% par rapport à l'année précédente, quand la Banque de France communiquait sur une baisse de 3%.
Pour le ministère de l'Economie, "la diminution de la distribution de crédit s'explique avant tout par la remontée des taux" mais il faut être "très attentif aux remontées de terrain" pour s'assurer que la réglementation "ne devienne pas un obstacle à l'accès au crédit et donc à la propriété de ménages pourtant solvables".