"Votre (...) idée, elle est très bonne", a déclaré le chef de l'Etat fin janvier lors d'un rencontre publique à Bourg-de-Péage (26), étape du "grand débat" national destiné à répondre au mouvement des gilets jaunes, à un intervenant qui suggérait de "réguler" certaines plus-values immobilières.
A "Bordeaux, il y a eu beaucoup de plus-values immobilières quand le TGV est arrivé", a souligné M. Macron, évoquant une "injustice" en faveur de propriétaires qui "n'ont pas travaillé pour ça."
Les propos du chef de l'Etat, selon qui ces plus-values ne sont "pas taxées", semblent concerner prioritairement les résidences principales, qui sont effectivement exonérées à la revente.
Alors que les débats font ressortir plusieurs revendications fiscales - rétablissement de l'impôt sur la fortune (ISF) ou suppression de la TVA sur certains produits -, ces propos n'ont suscité d'écho que sur le site spécialisé La Vie Immo, mais suffisent à agacer certains professionnels de l'immobilier.
"On est dans un pays où on est incapable de traiter un problème sans qu'à la fin on fasse autrement que par une taxe", regrette auprès de l'AFP Nordine Hachemi, PDG du promoteur immobilier Kaufman & Broad.
"Le logement est déjà extrêmement taxé", insiste-t-il. "Et des taxes, il y en a à tous les étages".
La fiscalité immobilière est-elle si lourde en France ? Selon un rapport rendu début 2018 par le conseil des prélèvements obligatoires, organisme dépendant de la Cour des comptes, son niveau est plutôt élevé par rapport à la moyenne de l'OCDE, qui rassemble une trentaine de pays développés, mais il est difficile de comparer des statistiques nationales ne donnant pas la même part au logement et aux entreprises.
Ce poids "est un jugement de valeur" mais le caractère insatisfaisant de la fiscalité immobilière est indiscutable, nuance auprès de l'AFP l'économiste Alain Trannoy, spécialiste de l'économie du logement et des questions de taxation.
"C'est assez compliqué: on taxe à la fois le capital, l'échange sur le marché et les revenus tirés de la location", détaille-t-il.
Blocage du marché
Un bien immobilier est d'abord soumis à la taxe foncière lors de sa détention. Or, cet impôt local se calcule sur des bases qui n'ont presque pas été recalculées depuis 1970 et sont "déconnectée(s)" de la réalité du marché, selon le conseil des prélèvements obligatoires.
Ensuite, s'il est loué, les loyers sont soumis à l'impôt sur le revenu. Puis, à la revente, il est soumis aux "droits de mutation", qui vont dans l'ensemble alimenter les finances de la commune et du département malgré l'expression consacrée de "frais de notaires".
Depuis que l'Etat a autorisé en 2014 les départements à relever leur taux sur ces frais, qui sont acquittés par l'acheteur, ils dépassent généralement les 7% du prix de vente.
Pour M. Trannoy comme le conseil des prélèvements obligatoires, c'est un facteur qui bloque le marché en renchérissant le coût de la transaction, d'autant que, du côté du vendeur, le système de taxation des plus-values, évoqué par M. Macron, encourage aussi à attendre pour vendre.
Parallèlement à l'exonération sur les résidences principales, le niveau de l'imposition baisse sur les autres biens - résidences secondaires, logements loués - en fonction du temps de détention jusqu'à devenir nul après 22 ans.
"Tout le système est à revoir: il est non seulement injuste mais complétement inefficace", conclut M. Trannoy, jugeant bienvenu de transférer toute la taxation sur la détention des biens et non les transactions afin de fluidifier le marché.
Or, "ce que le président de la République dit, c'est +on va rajouter une couche de complexité+", regrette-t-il.
Pour l'heure, les propos de M. Macron, qui a précisé qu'il voulait surtout "permettre" aux collectivités d'agir, ne devraient toutefois pas se traduire concrètement. Interrogée par l'AFP, une source à Bercy a expliqué qu'il n'y avait pas de réflexion particulière en cours, tout en reconnaissant certaines inadéquations de la fiscalité immobilière.